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Fin du cycle des symphonies parisiennes de Haydn par le Concert de la Loge

sous la direction de son premier violon , boucle une magnifique intégrale des six symphonies parisiennes de , avec en complément une version très originale du Stabat Mater dans sa mouture parisienne datée des années 1780.

Cette intégrale discographique des six œuvres commandées in illo tempore par… Olympique de Paris, aura donc joué les prolongations. et ses troupes se sont penchés pour les quatre premiers volumes à chaque fois sur une seule symphonie du cycle, remise en perspective dans son contexte contemporain, par la présence d'autres œuvres de même destination dues à des maîtres (surtout français) moins connus voire oubliés, ou de concertos (Mozart, Devienne) ou même d'airs de concerts (Gluck, Sacchini, J.C. Bach… donnés avec le concours de prestigieuses solistes – Sandrine Piau ou Sophie Karthaüser).

Par appel aux suggestions du public, les interprètes ont « baptisé » les trois symphonies restées « anonymes » du cycle , et, dès lors, quelque peu reléguées dans l'ombre de « l'Ours« , « la Poule » ou «  la Reine ». La splendide et monumentale quatre-vingt-sixième – sans doute l'une des plus parfaites et visionnaires de papa Haydn – en raison du titre de son imprévisible mouvement lent devient ainsi « la Capricieuse » alors que la quatre-vingt-quatrième (sans doute la moins jouée du cycle) pour ses teintes et pastels joue la carte de « la Discrète », impression renforcée par la présente interprétation tout en nuances et captée dans la plus vaste acoustique de l'Arsenal de Metz.

On retrouve avec plaisir ici tous les éléments qui ont concouru à l'excellence des volumes précédents : interprétation historiquement informée, pratique très maîtrisée des instruments anciens ou copies d'anciens avec une gourmandise et un hédonisme sonores toujours renouvelés, avec cette fraîcheur et cette transparence toute françaises et cette délicatesse un rien précieuse à l'exact opposé de la trempe un peu bétonnée de Nikolaus Harnoncourt à la tête de son Concentus Musicus Wien (Sony). Sans pour autant nier le caractère monumental de la Symphonie n° 86 priment ici le permanent souci d'aération des textures, le rebond rythmique irrésistible et la finesse exquise d'articulation des phrasés (les notes répétées de l'allegro spiritoso, ou les accents du final allegro con spirito) doublée d'une agogique optimale dans le menuet et surtout d'une ampleur de propos prophétique au fil d'un final très emporté et pré-beethovénien.

Mais ce double album, très documenté, veut aussi explorer de manière originale la production religieuse du maître autrichien avec la version parisienne du Stabat Mater donné ici dans sa refonte de 1781, conçue par Richomme. Il fallait en effet repenser l'original, destiné pour les parties chorales à des pupitres d'enfants soprani et alti dans la pratique autrichienne, et répondre aux exigences laïques du Concert Spirituel, avec deux pupitres de « dessus » féminins de tessitures similaires. Le texte latin est celui de la tradition gallicane – prononcé ici à la française – avec quelques variantes face à l'original romain. L'œuvre ainsi souvent donnée en concert dans les années 1780 (et répartie alors sur les lundi et mardi de la Semaine Sainte, vu ses dimensions monumentales), était alors coupée en son milieu ce que restitue la distribution des plages du présent double disque. Le Stabat Mater de Haydn s'est ainsi imposé au répertoire français face à son concurrent pergolésien en ultime péripétie de la querelle des Bouffons de trente ans antérieure. Dans cette mouture et cette interprétation, l'œuvre joue quelque peu les prolongements du grand motet français, ce qui nous vaut de savoureuses et très typées interventions d'un excellent quatuor de solistes : le suave , très agile ténor, joue judicieusement de son registre à la limite de celui de haute-contre, la soprano nous convainc par ses sublimes demi-teintes, l'alto davantage extraverti et timbré d' ou la basse très solidement charpentée et expressive d' sont également excellents. L'ensemble vocal Aedes, parfois un peu sacrifié par la prise de son, et ne sont pas en reste, et jouent la carte d'une vision différente de l'œuvre, par la dramatisation ultime du discours, comme si l'opéra s'invitait par le truchement du concert à l'église : une version qui s'éloigne donc de la standardisation luxueuse et très british de la belle gravure un rien neutre de Trevor Pinnock (Archiv produktion, 1990) ou de la docte, intègre et très sévèrement catholique lecture d'Harnoncourt et de ses troupes viennoises (Teldec/Warner, 1995).

Voilà, avec cette mouture inédite du Stabat Mater haydnien, une manière remarquablement intelligente, sensible et originale de ponctuer ce cycle des Symphonies parisiennes appelé à faire date et référence désormais.

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