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Le piano de Marc Monnet sous les doigts de François-Frédéric Guy

« En pièces » et pour le piano : ce nouvel album monographique de invite l'interprète et ami fidèle .

Bien qu'il l'ait pratiqué très sérieusement dans sa jeunesse, le piano ne tient pas une place de choix dans le catalogue de . L'instrument s'associe à l'électronique dans Imaginary Travel en 1996 ou convoque un autre piano, un ensemble instrumental et l'électronique dans Bosse, crâne rasé, nez crochu (1998-2000), son œuvre la plus ambitieuse à ce jour concernant le clavier. Avec les deux livres de En Pièces (2006 et 2010), c'est la petite forme qui retient l'intérêt du compositeur, dans l'esprit des cycles de Schumann (Kreisleriana, Davidsbündler, etc.) qu'il admire : des miniatures auxquelles il donne des titres et où il explore le clavier et ses potentialités, en termes d'espace, de projection sonore et de capacité résonnante : éclats, la première des douze pièces du Premier livre (dédié à ) donne le ton, qui résonne durant trente secondes au terme de sa course. L'écriture s'élabore sur un geste (glissades) ou sur un processus (en devenir, comme si de rien n'était), ouvrant l'espace et le champ narratif. Nombre d'entre elles font appel au piano-percussif d'un Bartók (rythme-éclats) voire d'un Messiaen (extrême), dans la jubilation sonore des accords martelés et des notes répétées sous le geste puissant et énergétique de l'interprète. L'autre voyage (étude sur les sonorités d'après Imaginary Travel) est une méditation « musclée » et superbe dont fait flamboyer les couleurs et vivre les contrastes. Étrange, ce thrène entre errance et répétition (pour la mort d'amour) et son coup de théâtre final…

Cette onzième pièce semble anticiper le Deuxième livre de huit numéros seulement. Les compositions sont plus longues que les douze précédentes, privilégiant la lenteur et auscultant la résonance. «  prend le risque de l'obscur », avance François-Frédéric Guy dans sa note d'intention, évoquant les derniers opus de Liszt que Marc Monnet apprécie tout particulièrement. Le pianiste nous fait pénétrer dans ces contrées obscures dès la première pièce, la plus développée du recueil, Du mouvement, de la résonance, du silence, balançant entre errance et violence. Chant obscur titre Monnet dans la 3, litanique et obsessionnelle, où les impacts violents exacerbent la noirceur du registre. Le mouvement se limite parfois à un simple balancement de ton ou de demi-ton (Suspension, Balancement onirique), l'écriture observant, dans Berceuse, une grande économie de moyens. Si le registre est clair et la texture transparente au début de Jeux d'eau, la résonance des basses profondes et ces accords qui cognent dans le grave du piano modifient totalement le climat. On les retrouve dans vertical et mouvant, la dernière du cahier, sorte de piano-carillon auquel l'interprète, très habité, donne une envergue insoupçonnée, dans une plénitude jouissive des clusters et de leur résonance.

Le même plaisir du son, du geste et du mouvement s'entend dans Lettre à Albertine, une courte page que le compositeur offre à sa fille pour ses dix-sept ans. François-Frédéric Guy en accuse les reliefs et en vitalise les couleurs, entre douceur et fermeté, puissance et sensualité.

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