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Des Vêpres de Monteverdi à Condom pour chasser la pandémie

Préparé en session chorale, ce concert à l'ancienne cathédrale Saint-Pierre de Condom, était programmé l'an dernier et comme beaucoup, a dû être reporté d'un an. Pour l'occasion, cinq festivals gersois (Musique en chemin, les Nuits Musicales en Armagnac, Éclats de voix, Les Musicales des Coteaux de Gimone et Claviers en Pays d'Auch) s'étaient réunis en coproduction, une première encore jamais vue dans cette Gascogne.

 

Avec le couvre-feu encore en vigueur à 21 h, les restrictions sanitaires ont amputé l'ouvrage de l'hymne Ave Maris Stella, ainsi que d'une sonate pour deux cornets à bouquin, puisque la configuration instrumentale sans cordes empêchait de donner la magnifique sonate Sopra Sancta Maria. Mais on sentait un bonheur palpable de se retrouver chez les musiciens et le public présent. Le chœur Ambròsia, un ensemble pour amateurs très confirmés fondé en 2011, était soutenu par un ensemble instrumental modeste (deux cornets à bouquin, deux sacqueboutes, un théorbe, une viole de gambe et orgue positif) issu du CRR de Paris, avec les solistes de rompus depuis longtemps à l'ouvrage. L'ensemble était placé sous la direction de . 

Si l'œuvre est fréquemment jouée aujourd'hui avec un succès qui ne se dément pas malgré ses difficultés d'exécution, elle pose toujours un certain nombre de questions aux musicologues quant à son ordonnancement, son effectif, voire sa destination. Monteverdi n'avait pas les moyens ni l'intention de fournir aux interprètes une partition définitive prête pour l'exécution. Il était d'usage de laisser la porte ouverte à une multiplicité d'interprétations possibles, ainsi qu'une grande liberté aux chefs de chœur et à l'imagination créatrice des musiciens. Il fallait de plus s'adapter aux conditions d'exécution locales, ce qui est toujours le cas aujourd'hui. Pour ce concert, cette configuration instrumentale sans cordes ne nuit nullement à la musicalité de l'ensemble, d'autant plus que les musiciens du CRR de Paris s'avèrent de parfaits virtuoses. Cette version de chambre privilégie la polyphonie selon une superbe cohésion vocale. Elle n'en remplit pas moins l'espace sonore du vaisseau gothique méridional de la cathédrale condomoise, avec une spatialisation sonore où les fameux répons en écho de l'Audi Coelum, depuis le fond de la chapelle axiale, impressionnent toujours le public.

Les pépites ne manquent pas dans cette partition sublime et l'on goûte le Nigra sum concertant et intimiste par , tandis que et délivrent un Pulchra es céleste et que l'extraordinaire Duo Seraphim à trois voix constitue peut-être le sommet de l'ouvrage. On apprécie tout autant la belle cohésion vocale des doxologies de fin de psaumes, sans oublier l'extraordinaire Magnificat final. Le chœur et les solistes développent une diction latine claire où selon les prescriptions du concile de Trente, le texte est très compréhensible.

Architecte passionné de ce projet, adopte une direction sobre et efficace avec une battue qui rappelle celle d'Hervé Niquet, dont il fut l'élève à Toulouse et avec lequel il chante régulièrement. Pour ce moment de grâce, tous les musiciens rayonnaient d'un bonheur communicatif à jouer et à chanter.

Crédit photographiques : © Alain Huc de Vaubert

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