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Heureuse édition de l’intégrale des bandes Polydor d’Erich Kleiber

Ce coffret réunit l'intégralité des enregistrements Polydor qu' grava pour la firme, entre 1926 et 1929. Un legs magnifiquement remastérisé et qui complète une discographie passionnante, mais disparate du chef allemand.

Après deux albums consacrés (en partie) à et parus sous label Decca Eloquence, voici un coffret sous étiquette Deutsche Grammophon Eloquence. Ces témoignages se situent au début de la carrière du musicien (chez Vox, dès 1923) qui s'acheva, en 1956, pour Decca. Entre les gravures captées en “live” et les archives en studio, nous disposons d'une centaine d'enregistrements de Kleiber, ce qui est assez conséquent.

Le répertoire d'Europe centrale domine sans conteste sa discographie, allant de Mozart à Dvořák en passant par Beethoven, Schubert et Mendelssohn (alors que son répertoire de concert était considérable, notamment pour la musique du XXe siècle). En raison des contraintes d'enregistrement, les témoignages Polydor – société de diffusion, le producteur étant (Deutsche) Grammophon – présentent des pièces relativement brèves. Quelques exceptions notables toutefois : les symphonies n° 2 de Beethoven, n° 8 de Schubert et n° 9 de Dvořák. Ce sont les premières éditions électriques du label. Mark Obert-Thorn les a admirablement restaurées.

Les symphonies, précisément. La Symphonie n° 2 de Beethoven fut rééditée à plusieurs reprises. Sa qualité sonore est remarquable. Elle fut gravée en 1927, dans le cadre de l'intégrale du centenaire de la disparition du compositeur. Il était alors inimaginable que cette dernière soit confiée à un seul chef… Kleiber dirige avec un minimum d'effets, peu de rubato, dans des tempi alertes et rigoureux, allégeant les phrasés. On peut comparer sa lecture avec celle, moins tenue d' avec le même orchestre (1925). La Symphonie du “Nouveau Monde” bénéficie, pour la première fois, de l'ajout de la version originale du troisième mouvement que Kleiber enregistra à nouveau car il jugea la première mouture trop emphatique. Curieuses décision car sa conception de l'œuvre demeure profondément grandiose et “germanique”, assez éloignée de l'approche des chefs tchèques et de la culture d'un pays dont il connaissait, par ailleurs, parfaitement la musique. En effet, le premier mouvement possède des accents quasi-brucknériens qui étonnent d'autant plus si l'on compare cette version avec celle d'un Hamilton Harty, en 1927, avec l'Orchestre Hallé. Dans la Symphonie “Inachevée”, Kleiber tente de révéler la profondeur de l'orchestre qui est dirigé avec souplesse et une précision sans effet dramatique. Nous sommes aux antipodes de la lecture d'un Furtwängler.

Les autres pièces symphoniques dévoilent la justesse des équilibres, qu'il s'agisse de l'Ouverture d'Idoménée ou des deux versions de Vlatva, extrait de Ma Patrie (celle de 1927 étant bien moins connue que le remake de 1928, approuvé par le chef). Kleiber est un coloriste de première force : les Danses allemandes de Mozart possèdent une saveur pastorale tout comme les extraits de Rosamunde de Schubert captés en 1927 et d'un intérêt supérieur à la lecture hambourgeoise de 1954. À noter aussi des extraits du Songe d'une nuit d'été dont tout sentimentalisme est prohibé. Les premiers violons “chantent” avec légèreté et souplesse. Kleiber était particulièrement attentif aux pupitres des cordes comme on l'entend dans le phrasé du violoncelle solo au début du Guillaume Tell de Rossini ou dans les attaques subtiles du Carnaval romain de Berlioz.

Toutes les archives Polydor réunies pour la première fois intéresseront les mélomanes qui gardent en mémoire le souvenir des grands disques d'après-guerre de Kleiber.

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