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À Munich, Constantinos Carydis fouette Idomeneo

A Munich, dans Idomeneo, la belle distribution ne peut lutter contre un chef ravageur.


Idomeneo
n'a pas de chance à Munich, d'abord parce que l'œuvre est bien trop rare dans la ville où elle a été créée : 10 représentations dans le minuscule Cuvilliés-Theater en 2008 et 2009 avant les 4 soirées de cet été, au Prinzregententheater qui est certes idéal pour cette musique, mais dont les spectacles ne sont que rarement repris. Pas de chance non plus parce que ce spectacle est très loin de rendre justice à l'œuvre.

On pouvait craindre le pire avec la mise en scène d' : les deux spectacles qu'il a réalisés à Munich (Guillaume Tell et Les Vêpres siciliennes) étaient des désastres sans nuance. Pour ce spectacle qui est la dernière première de l'ère Bachler à Munich, la perspective est différente : il s'agit moins de développer son interprétation de l'œuvre que de diriger les acteurs pendant qu'évoluent derrière eux les décors conçus par la plasticienne Phyllida Barlow. La Haus der Kunst, à quelques pas de l'Opéra, présente en ce moment l'œuvre de l'artiste en une exposition stimulante. On peut comprendre, par la monumentalité de ses œuvres, par son sens de l'Histoire, par sa capacité à aller chercher l'archaïque en nous, qu'elle ait pu s'intéresser à Idomeneo ; hélas, il aurait fallu un metteur en scène plus inspiré, plus capable de développer une interprétation de l'œuvre, pour que l'installation scénique impressionnante qu'elle a conçue puisse prendre un quelconque sens. Le ballet final en est l'illustration ; outre son intérêt musical, il a surtout le mérite d'exposer l'inventivité des costumes de Victoria Behr, mais à quoi bon ?

La vraie déconvenue de la soirée, cependant, est ailleurs : avec à la tête de l'orchestre de l'Opéra. On a souvent l'impression d'assister, et ce dès l'ouverture, à un concerto pour percussion, tant le chef croit aux vertus martiales des timbales. A l'occasion, il mobilise les ressources du continuo (un violoncelle, un archiluth jouant aussi de la guitare à l'occasion, un clavecin ET un pianoforte) pour faire plus de bruit. Les tempi sont presque entièrement ultra-rapides, et tant pis pour les chanteurs pour qui cela devient visiblement inconfortable. À de rares moments, par effet de contraste, Carydis met sa machine infernale sur pause (le chœur Placido è il mar par exemple), mais c'est à peine mieux : quel que soit le tempo, Carydis le tient impitoyablement, sans se préoccuper de nuances internes à chaque numéro.


Dans ces conditions, les chanteurs jouent les seconds rôles ; au moins ils le font bien ! a une voix solide qui peut résister à l'orchestre, mais il varie la reprise de Fuor del mar avec un goût douteux. , dont la carrière avait débuté à Munich il y a une décennie, serait sans doute plus à l'aise en Ilia, mais son Elettra est du moins musicale et précise. est une très prometteuse Ilia, avec un intérêt remarqué pour la virtuosité.

La plus belle découverte de la soirée est cependant Emily d'Angelo, au timbre androgyne particulièrement séduisant en Idamante. On aimerait être plus enthousiaste encore sur cette distribution méritoire, y compris l'Arbace de , mais encore faudrait-il que ces belles voix aient l'occasion de se mettre au service d'un personnage. Peu aidés par la mise en scène, laissés à eux-mêmes par une direction ivre d'elle-même, les chanteurs se trouvent réduits à un rôle essentiellement instrumental.

Crédits photographiques : © Wilfried Hösl

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