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Le Ballet national de Marseille réveille le Châtelet

Le collectif (La)Horde, à la tête du , présente un programme mixte consacré à quatre femmes chorégraphes. Ce voyage à travers la danse contemporaine, qui va de à en passant par explose avec qui bouscule les codes en faisant entrer le Voguing dans les institutions.

Le collectif (La)Horde, qui a pris la tête du (BNM) en 2019, a déjà imprimé sa marque dans le paysage chorégraphique. Engagée, la danse est un objet politique à leurs yeux. Elle bouscule les codes, comme on l'a vu avec leur première création, Room with a view.

Cette fois, le collectif fait appel à des chorégraphes invités pour un programme mixte qui a en guise de ligne directrice le féminisme et la réflexion sur le genre. Ainsi, les quatre pièces, aux langages chorégraphiques radicalement différents, ont pour point commun de ne pas différencier les sexes. Les gestes mais aussi les costumes sont en tout point identiques pour les hommes et les femmes, et les corps prennent des allures androgynes.

L'apothéose du processus est incarnée par Moods de . L'artiste américaine est considérée comme l'une des pionnières du Voguing à Paris où elle a importé d'outre-atlantique cette culture née dans les années 1930 dans la communauté noire transgenre. Cette culture et ses spectacles, les Ballrooms, se sont construits dans l'underground. Cette reprise par une compagnie nationale dans une institution comme le Châtelet est donc déjà en elle-même une transgression, et un challenge pour ce type de danse dont la vocation est de laisser à chacun la possibilité d'affirmer son identité et son orientation sexuelle dans un entre-soi protégé.

Moods se distingue des Ballrooms, en étant axé peut-être davantage sur la performance, qu'apporte nécessairement la technique des danseurs du BNM, et moins sur l'aspect culturel intrinsèque à cette danse. Le résultat est jubilatoire, débordant d'énergie, de folie et d'humour. Plusieurs tableaux se succèdent, alternant solos et ensembles. Chaque danseur peut exprimer sa personnalité et se révèle au sein de cette danse féminine, dans ses postures, sensuelle voire sexuelle mais jamais vulgaire. Dans une ambiance très cabaret, le public s'enthousiasme.


Après cette explosion d'énergie et de couleurs, Lazarus d' invite à un retour au calme. Sur le magnifique Miserere mei de Gregorio Allegri remixé avec de l'argot irlandais, la pièce, originellement un solo présenté aux Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis en 2017, a été recréée pour un collectif de danseurs. L'effet est celui d'une multiplication du même geste car tous reproduisent les mêmes gestes à l'unisson. Vêtus de blanc, les danseurs imitent les attitudes machistes et viriles jusqu'à la caricature des jeunes des banlieues de Belfast, univers qu'observe de près . Avec subtilité, elle crée de la poésie à partir de scènes de colère et de violence.

La première partie du programme présente deux pièces au vocabulaire plus connu. Le très beau Tempo Vicino de , sur la musique de , est ici revisité dix ans après sa création pour la compagnie phocéenne. Cette pièce à la géométrie rigoureuse, musicale et d'une extrême précision, est interprétée avec beaucoup de grâce et de personnalité par les danseurs et danseuses. Chaque séquence traduit une atmosphère spécifique au diapason avec la couleur des lumières plus ou moins chaudes.

Enfin, One of four periods in time, la nouvelle création de la chorégraphe portugaise , sur une musique de Vasco Mendonça, met l'accent sur la pantomime et l'expressivité. Dans le premier tableau, les danseurs et danseuses semblent des pantins désossés. Quelque chose de sombre se dégage de cette chorégraphie, qui donne lieu à de beaux mouvements d'ensemble mais manque de relief.

Il faut rendre hommage à la polyvalence des danseurs du BNM qui s'approprient chaque univers avec une grande plasticité. Ils montrent aussi bien leur technique dans Tempo Vicino que leur expressivité et leur liberté dans les trois autres pièces.

Crédits photographiques : 1 : Moods, © Théo Giacometti – 2 : Lazarus, © Didier Philispart

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