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Pierre Bleuse, le début d’une ère nouvelle au Festival de Prades

Sans sacrifier la musique de chambre, le nouveau directeur artistique du Festival de Prades, successeur de Michel Lethiec, innove en ouvrant le concert inaugural au répertoire symphonique avec Beethoven, Saint-Saëns et Mozart, accompagné de la violoncelliste en soliste.

Dans le cadre grandiose de l'Abbaye de Saint-Michel de Cuxa, l'Ouverture de Coriolan annonce clairement les souhaits pluralistes (diversité, échanges et transmission) de qui dirige pour l'occasion la toute nouvelle phalange du festival ; un orchestre de chambre regroupant de jeunes instrumentistes issus d'écoles de musique prestigieuses (CNSMD de Paris, ESMUC de Barcelone, Menuhin Academy, ou encore Hautes Écoles de Lausanne et Genève) appariés à des musiciens confirmés, dans le but de promouvoir et de faciliter la professionnalisation des plus jeunes. Une initiative particulièrement louable. Composée en 1807 sur la demande de son ami le dramaturge Heinrich-Joseph Collin, l'Ouverture de Coriolan met en scène le général romain Coriolanus qui fait largement écho à la personnalité de Beethoven, par son caractère héroïque, par son désir de lutter contre un destin contraire (surdité du compositeur évoluant depuis 1801), par sa tentation suicidaire (testament d'Heiligenstadt) et par sa personnalité tragique à la sociabilité difficile… L'Ouverture de Coriolan expose les brisures du héros, comme celles du musicien, ce dont rend parfaitement compte en usant d'un phrasé théâtral et chaotique alternant silences et forte, violence et lyrisme dans une lecture chargée de nuances et de contrastes, parfaitement claire et équilibrée où l'on apprécie d'emblée la qualité de l'orchestre (legato des cordes, tranchant des attaques, sonorité des vents).

Festival Pablo Casals oblige, c'est par le Concerto pour violoncelle n° 2 de que se poursuit cette soirée, interprété magistralement par la violoncelliste catalane . Si le premier des deux mouvements, Allegro moderato et maestoso souffre quelque peu d'un défaut d'équilibre entre orchestre et soliste dans les premières mesures, on est rapidement séduit par la beauté du dialogue s'établissant entre le violoncelle soliste et les cordes de l'orchestre, avec notamment une superbe cantilène aux accents élégiaques et une magnifique coda pleine d'élévation. Plus virtuose, le second mouvement Andante sostenuto impressionne dès l'entame par son énergie, portée là encore par un orchestre complice et enthousiaste, admirablement réactif face à une soliste à la maitrise technique confondante qui donnera sa pleine mesure dans une cadence virtuose quasi motoriste. En clin d'œil à Pau Casals, en bis, dans un intense recueillement, interprète un déchirant Chant des oiseaux à faire pleurer les pierres.

Mozart est convoqué pour la conclusion de ce beau concert avec la Symphonie n° 41 dite « Jupiter ». Pierre Bleuse nous en livre une lecture toute apollinienne, plus attachée à la forme qu'à l'esprit car si l'orchestre du festival se montre irréprochable tout au long des quatre mouvements, c'est peut-être sur l'interprétation qu'il convient d'émettre quelques réserves du fait d'une lecture un peu monolithique semblant se cantonner au registre galant. Celle-ci gomme totalement la composante maçonnique essentielle et la profondeur dramatique de cette ultime symphonie du maitre de Salzbourg, qui s'intègre et conclut un triptyque maçonnique avec la Symphonie n °39 à laquelle elle répond et la Symphonie n° 40 qu'elle prolonge… Un chemin vers la Lumière qui débute dans la lutte très rythmique et quasi opératique de l'Allegro pour ensuite s'éclaircir dans la douceur mélancolique un peu superficielle de l'Andante cantabile où l'angoisse parait singulièrement absente, et dans la paix retrouvée du Menuetto avant que la fugue finale n'achève la construction et ne conclue de façon jupitérienne cette grandiose péroraison unissant toute les forces de l'orchestre.

En bis, la très sensuelle Habanera de Chabrier apporte la touche finale à ce très beau concert inaugural.

Crédit photographique : Pierre Bleuse © Angélique Conesa

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