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Margarita Gritskova chante Chostakovitch

Ardente défenseure du répertoire russe, la mezzo-soprano voue son dernier opus discographique aux seules mélodies et romances de . Un disque rare qui vaut autant par la qualité du chant que par le choix judicieux des textes.

Avec bonheur, s'attelle au corpus peu connu des mélodies et romances du compositeur russe. Des œuvres d'importance puisqu'elles servirent pendant de longues années d'exutoire à Chostakovitch en lui permettant de contourner subtilement les affres de la censure stalinienne. Dans ce florilège, la mezzo-soprano explore toute la période créatrice du compositeur, depuis ses débuts enthousiastes faisant suite aux espoirs nés de la Révolution, jusqu'au constat résigné et douloureux de la désillusion. Tour à tour avant-gardistes, romantiques, énigmatiques, folkloriques, satiriques et parfois amères, ces mélodies reflètent les différentes facettes de la personnalité et les attachements littéraires particuliers d'un compositeur constamment ballotté entre honneurs et anathème.

Un enregistrement qui séduit par la qualité de l'interprétation (chant et déclamation), comme par l'accompagnement pianistique particulièrement symbiotique de au piano, dans une succession de climats très contrastés : si l'humour n'est pas absent de la fable de Krylov (La libellule et la fourmi) où la chanteuse emprunte deux voix différentes pour les deux insectes, on apprécie la tenue de la ligne, le large ambitus, les aigus puissants, les graves bien timbrés, comme la langueur douloureuse et lancinante du piano dans les avant-gardistes poèmes japonais. Plus romantiques les vers de Lermontov se partagent en une Ballade très théâtralisée et Un matin sur le Caucase à l'atmosphère plus intimiste, chargée de poésie où les notes égrenées d'un piano confident répondent au superbe legato de . Plus énigmatiques les poèmes de Marina Tsvetayeva précèdent ceux de Pouchkine, de Shakespeare ou de Sasha Chorny (alias Alexander Glikberg), comme autant d'affinités littéraires anciennes du compositeur. Le ton sait se faire plus amer et le propos plus acerbe, plus cynique, teinté d'une subversive ironie dans la Préface op. 123, avant de retrouver les accents folkloriques des chansons grecques, espagnoles ou juives, avec une sublime et lancinante berceuse d'inspiration yiddish. Les très spiritualisés Vers de Michel-Ange op. 145 concluent sur une note d'espoir avec Immortalité ce très bel album.

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