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Avec le Philharmonique de Vienne, Thielemann magnifie la Symphonie « Romantique » de Bruckner

Après les réussites des Symphonies n° 3 et n° 8, le troisième volet de l’intégrale de Thielemann avec le Philharmonique de Vienne se révèle d’une hauteur de vue et d’une beauté remarquables. Voilà la suite d’une aventure musicale qui tient toutes ses promesses.

Rappelons que la version choisie par Thielemann est celle de l’édition Robert Haas, seconde mouture de l’œuvre datée de 1878-1880 et qui ne fut publiée qu’en 1936. Celle-ci comporte un nouveau scherzo et un finale entièrement réécrit. Sa création, en février 1881, sous la direction de Hans Richter fut un triomphe, l’un des rares du vivant du compositeur. Cet enregistrement de la Symphonie dite “romantique” est le troisième du chef allemand. Un premier, décevant et en DVD avec le Philharmonique de Munich (Cmajor Unitel Classica, en 2008) fut suivi d’une belle lecture, en concert, avec la Staatskapelle de Dresde (Profil Hänssler, en 2012) devançant d’une semaine, une nouvelle captation en vidéo.

Pour le Philharmonique de Vienne, il s’agit de la première intégrale gravée avec le même chef. Cela peut étonner, tant les lectures de cette symphonie abondent depuis les témoignages de Furtwängler et Knappertsbusch (à deux reprises chacun), Krauss, Kubelik, Böhm, Muti, Abbado et Haitink. La présente intégrale viennoise devrait être achevée en 2024 afin de commémorer le bicentenaire de la naissance du compositeur.

La direction de Thielemann s’assouplissait déjà dans la gravure avec Dresde. La matière sonore plus riche qu’à Munich bénéficiait notamment de la beauté des cuivres de la formation saxonne. Avec Vienne et en concert à Salzbourg, Thielemann insuffle, dès les premières secondes, une atmosphère rayonnante. Elle est, en effet, remarquable de légèreté, de fluidité, de souplesse et, en cela, assez proche de la conception d’un Haitink. Les couleurs des bois ravissent avec leurs timbres « à la Mendelssohn », exprimant une sorte de fragilité mêlée de fantaisie, jouant d’une infinité de couleurs pastel. C’est un monde sonore qui s’éveille à la nature.

Rien de factice, non plus, dans la manière de susciter l’émotion dans l’Andante quasi-allegretto, bâti entre transparence et monumentalité. Nous retrouvons le caractère héroïque et sans agressivité de la direction d’Abbado dans son interprétation de l’œuvre (les cuivres viennois ont tendance à devenir agressifs dans les forte). Admirons le pas de marche funèbre suggéré dans le mouvement lent, un pas qui se change en doux balancement si profondément wagnérien (Parsifal) dans son harmonie et schubertien (Symphonie “La Grande”) dans sa structure.

Cette atmosphère est maintenue avec une exaltation presque orgiaque dans le Scherzo. La chasse est ouverte ! Quels cors ! Et pourtant, dans cet élan aristocratique car les plans sonores sont parfaitement étagés sur la profondeur de la grande salle du festival, on entend distinctement les accents d’un folklore campagnard magnifié dans le Trio, au tempo contenu avec tant de noblesse. Tout avance, chaque phrase entre logiquement dans la narration.

Le finale – Animé, mais pas trop vif – passionne par la finesse des basses, pianissimi et tranchantes à la fois. Les quarante-deux premières mesures du crescendo introductif atteignent une violence terrifiante et pourtant sans brutalité. Puis l’élan reprend, les thèmes des précédents mouvements réapparaissant de manière parcellaire, se croisant et se déformant mutuellement. Nulle perte d’énergie. Thielemann dirige comme s’il s’agissait d’un poème symphonique, avec un geste qui libère les personnalités. De fait, il obtient des pianissimi extrêmes avant de transmettre une énergie aussi puissante que racée. La coda finale impressionne par son élégance et la beauté des timbres déployés. C’est un très grand Bruckner que nous entendons.

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