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Rattle et Zimerman déçoivent dans leur intégrale des concertos de Beethoven

La seconde intégrale des concertos de Beethoven sous les doigts du pianiste polonais s'inscrit dans les commémorations du 250e anniversaire de la naissance du compositeur. Dans une discographie pléthorique et face à la première version de Zimerman, la nouvelle production ne convainc pas.

a gravé en 1989 et en concert, les concertos n° 3, 4 et 5 avec le Philharmonique de Vienne. À la suite de la disparition de Leonard Bernstein, le pianiste grava les deux premiers opus en les dirigeant du clavier. Sa conception des œuvres était, déjà, chambriste. Elle s'affirme plus encore aujourd'hui. Dès le Concerto n° 1 se posent deux problèmes qui ne font que s'amplifier au fil de l'écoute. Le premier est d'ordre technique. La captation manque de transparence, de finesse dans l'étagement des pupitres de l'orchestre qui semblent comme écrasés. Le second problème directement lié au premier, est posé par la différence de conception entre les deux artistes. Rattle conçoit un Beethoven grandiose, projeté avec force, quasi-brahmsien, alors que le soliste tisse un discours encore mozartien, “galant”, pour les deux premiers opus, jouant d'un humour certain et pétillant de finesse. Pour autant, la matière sonore manque également au clavier. Ce n'est assurément pas le piano de Zimerman que l'on entend en concert. En effet, l'instrument sonne bien plat, avec des couleurs ternes, des basses faibles et sans longueur de son. L'orchestre joue une autre partition que le soliste. Certes, il s'agit d'une phalange “traditionnelle” à laquelle on a intégré pour faire bonne mesure, des timbales fières de pétarader… Au début de l'Allegro con brio du Concerto n° 2, le piano séduit par son intelligence musicale. Nous sommes dans la musique de chambre, aux limites d'une certaine préciosité dans le Largo du Concerto en ut majeur et l'Adagio de celui en si bémol majeur. Si tout paraît en place, attentivement réglé, il paraît difficile d'affirmer que la fusion opère entre l'orchestre et le piano. Le premier accentue chaque accent de manière parfois outrancière alors que le second offre une souplesse et une précision de jeu superbes. Curieuse association que celle d'un soliste écartelant son Beethoven entre Mozart et Chopin alors que la direction provoque une idée musicale à chaque phrase.

Dans la grande introduction orchestrale du Concerto n° 3, cent-onze mesures durant, nous voici à l'opéra, dans l'expression sans fard des sentiments. Si l'énergie du piano est au rendez-vous, c'est le son de l'instrument qui ne suit toujours pas. Métallique et plat à la fois, difficilement localisable, il amoindrit le travail si sensible de Zimerman. À Vienne, dans le Largo accompagné par Bernstein, nous éprouvions un climat d'une tendresse infinie (« sempre con gran espressione »). À Londres, ce n'est malheureusement pas le cas.

La présence et la lumière des premiers accords du Concerto n° 4 dans la version Zimerman / Bernstein restent également en mémoire : netteté des attaques et profondeur des intentions. Avec Rattle, les cordes s'étalent dans la réverbération de l'église et il faut un dosage extrêmement précis des pianissimi pour que la puissance du Symphonique de Londres soit contenue. Cela étant, le dialogue prend forme avec davantage de fluidité que dans les trois premiers concertos. Hélas, le mouvement lent dévoile à nouveau une approche stylistique incompatible. On s'interroge sur le choix de la formation : n'aurait-il pas mieux valu employer un orchestre de chambre plus rompu au répertoire classique ?

Le Concerto “L'Empereur” laisse, d'emblée, place nette au piano. La belle énergie se dilue dans un orchestre compact – la prise de son manque toujours de définition – et duquel les phrases des bois n'émergent guère. Suivent également des baisses de tension et toujours un sentiment d'éparpillement des idées. L'élégance magnifique du piano se brise systématiquement sur le déploiement sonore des pupitres. L'écriture dépouillée de l'Adagio un poco moto et l'atmosphère presque religieuse du choral sont bien traduites. C'est une heureuse surprise qui prend fin avec le finale car l'orchestre s'enferme à nouveau en “mode démonstration”.

Si l'on comprend les impératifs d'un label et la promotion d'un nouveau chef à la tête d'une telle phalange, cette intégrale qui promettait tant nous laisse sur notre faim. Dommage.

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