- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Les concertos pour orgue de Haendel à Vienne avec Martin Haselböck et Jeremy Joseph

Au sein d'une discographie des concertos pour orgue de Haendel assez pléthorique, la version des musiciens de l', dirigée depuis les claviers par trouve un juste équilibre entre baroquisme et modernisme.

L'histoire de ces concertos est maintenant assez connue, Haendel les ayant finalement composés dans un but quasi commercial afin d'attirer un public nombreux aux représentations de ses opéras à Londres au château d'Hampton Court et de concurrencer efficacement d'autres représentations musicales dans divers lieux. Durant les pauses il se produisait à l'orgue entouré de quelques musiciens qui peinaient parfois à le suivre tant sa part d'improvisation était grande.

Ces œuvres son regroupées en deux opus n°4 et n° 7 de six concertos chacun. Six autres concertos complètent cette collection dont le fameux « Coucou et rossignol » qui fait partie de la présente parution.

On peut s'étonner de voir sur la pochette la photo de la grande salle du Musikverein de Vienne en Autriche, où trône au-dessus de la scène un buffet d'orgue monumental datant de 1872, qu'on pourrait croire sans vie. Il fut construit par le grand facteur Friedrich Ladegast et inauguré par Anton Bruckner. Remanié et agrandi à plusieurs reprises c'est finalement en 2011 qu'il est complètement restructuré par la manufacture Rieger-Orgelbau pour aboutir à l'un des plus beaux instruments au monde, édifié dans une salle de concert. Il est doté de 86 jeux répartis sur 4 claviers et pédalier. Une deuxième console mobile, posée sur la scène, est utilisée ici afin que l'organiste demeure proche de l'orchestre pour une parfaite synchronisation.

Dans ce somptueux environnement à l'acoustique exceptionnelle, qui connait bien cet orgue depuis toujours, dirige et joue de la console l'opus n°4 contenant les six premiers concertos, sans doute les plus vivants et les plus légers portés par un art italien que le compositeur connaissait bien depuis son passage dans ce pays auprès de Corelli. Il y a là d'entrée un savant dosage entre le gigantisme de cet orgue, éloigné des positifs de quelques jeux seulement dont disposait Haendel lors de ses créations et la finesse d'un orchestre de chambre dont la recherche d'un style informé est évidente. La place de l'orgue dans ces œuvres est vraiment celle du soliste qui va briller par sa virtuosité pour éblouir l'auditeur. Les jeux sont savamment choisis et dosés et l'orgue bien que conservé dans son acoustique naturelle garde suffisamment de proximité pour s'équilibrer harmonieusement avec les cordes. L'utilisation d'un grand orgue est judicieuse dans ce contexte, les couleurs et les contrastes sont variés et apportent au discours toute son accroche et son intérêt. L'instrument soliste reste clair et précis grâce au jeu délicat et pourtant très engagé de .

La deuxième série de huit nouveaux concertos constituant l'opus 7 est confiée au jeune organiste , lui même élève de Martin Haselböck gardant ici le rôle de chef. les œuvres sont plus massives, plus « haendeliennes » au sens propre du terme, par un squelette plus solide encore que dans l'opus 4. L'utilisation d'un grand orgue parait plus évidente, même si le jeu du jeune organiste semble plus sage que celui de son maitre, déjà connu pour son audace et ses idées fertiles. Pour autant sous ses doigts, la stature de ces concertos est fière et brillante et l'enchainement des pièces d'une logique bien ordonnée.

A l'écoute de cette nouvelle version dont la qualité principale réside dans son équilibre tant stylistique qu'acoustique, on se remémore d'autres grandes approches discographiques qui ont fait l'histoire de cet ensemble au disque, depuis les plus romantiques (Jeanne Demessieux et Ernest Ansermet) aux plus baroques (Herbert Tachezi et Nikolaus Harnoncourt) en passant par les plus classiques (Karl Richter et son orchestre). Chacun y apporte sa lumière et sa poésie, mais aussi et surtout son énergie au service de textes parfois utilisés par ailleurs jusqu'à des thèmes empruntés au Messie. A la fin, la petite cerise sur le gâteau nous vient du Concerto n° 13 dit « The cuckoo and the nightingale », délicieux et sucré au possible, champêtre et ne manquant pas d'humour sous les doigts inspirés de Martin Haselböck. Cette production entre volontiers dans le groupe de tête d'une discographie finalement très contrastée.

(Visited 588 times, 1 visits today)