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La Symphonie n° 7 de Mahler en demi-teinte sous la baguette de Kirill Petrenko

Rarement convaincant au disque, offre une version déconcertante de la Symphonie n° 7 de Mahler, captée en concert. Face à une discographie pléthorique, on s'interroge quant à la pertinence d'une telle édition.

n'avait enregistré que deux symphonies de Mahler, uniquement avec le Philharmonique de Berlin : la Symphonie n° 4 dans l'arrangement de Stein, parue en DVD (Europakonzert) et la Symphonie n° 6, gravée en 2020 (coffret BP). Aucune des deux lectures n'a enthousiasmé. La Symphonie n° 7 gravée avec l'Orchestre d'Etat de Bavière est plus intéressante. Elle souffre toutefois d'un problème de taille qui tient essentiellement aux insuffisances de l'acoustique du lieu. Celle-ci projette difficilement le son, devenu mat et n'offre que peu de profondeur à la restitution de la polyphonie et des couleurs.

Le début du premier mouvement tarde à prendre forme. La pesanteur de l'orchestre favorise les baisses de tension. La machinerie claudicante et colorée par le cor ténor paraît bien poussive. Les basses manquent d'impact et le souffle est tenu par l'énergie de Petrenko qui prend le risque d'un tempo assez retenu dans une acoustique sèche. Dans la première des deux Nachtmusik, l'ironie devrait percer grâce aux réminiscences de l'orgue de barbarie du Wunderhorn associé au grotesque solo de cor et aux chants d'oiseaux transcrits aux bois. Dans cette randonnée alpestre, le cor n'offre, hélas, qu'une voix d'un legato assez neutre et sans beaucoup d'esprit. Petrenko déploie toute son énergie pour faire jaillir les idées musicales, au risque de décomposer la structure de la partition. Sa direction d'une grande virtuosité et attentive à chaque entrée, rappelle la finesse d'un Abbado. Passons au Scherzo (schattenhaft – fantomatique), d'esprit schumannien et presque déjà ravélien. Le rythme se déhanche comme une valse prise d'un irrépressible hoquet. Les esprits maléfiques devraient apparaître : « la mort joue du violon, invite à danser et bientôt, tous doivent suivre » écrivit Mahler sur la partition de Mengelberg. Nous n'entendons rien de la sorte avant que Petrenko choisisse la fuite en avant. C'est habilement fait.

Les miracles du “live” ? Les deux derniers mouvements sont d'un bien plus grand intérêt. La seconde Nachtmusik, tout d'abord, est exactement andante amoroso. La mandoline et la guitare unies aux deux harpes évoquent l'esprit de la sérénade italienne avec juste ce qu'il faut de menace mystérieuse. Petrenko choisit des tempi plus alertes que la plupart des versions et dirige cette page avec une finesse toute mozartienne. La parodie n'est, en effet, qu'amoureuse et le caractère chambriste de l'écriture est souligné avec verve. Kermesse et collage à la fois, le finale jongle entre rire et grimace, joie et douleur. Le tempo pris est l'un des plus rapides de toute la discographie, au point que les bois décalent et que la direction se raidit pour maintenir la mise en place. Petrenko domine le chaos apparent, les enchaînements d'une fête foraine, le persiflage provocateur. Une fois encore, quel dommage que le lieu soit si peu adapté à ce type de partitions !

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