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Olga Pashchenko et Il Gardellino : le chaud et le froid pour leurs débuts mozartiens

et l'ensemble , fondé par le hautboïste Marcel Ponseele, offrent la première étape discographique d'une future intégrale des concerti de Mozart sur copies d'instruments d'époque, avec les Concertos n° 9 et n° 17, deux jalons stylistiques dans le parcours du compositeur. 

Reprenant le couplage d'un déjà ancien, mais fort réussi, disque de Andreas Staier avec le Concerto Köln (Teldec/Warner), le présent disque réunit non seulement deux œuvres importantes dans l'évolution mozartienne du genre, mais encore deux pages d'un journal intime, hommages appuyés à deux de ses interprètes-dédicataires féminines. Baptisé erronément « Jeunehomme » par De Wyzewa et de Saint-Foix, le Concerto « n° 9 » (1776-1777) fut sans doute dédié à Victoire Noverre, épouse Jenamÿ, déjà rencontrée plus tôt par un Wolfgang adolescent à Vienne. L'œuvre, malgré une distribution orchestrale plutôt sommaire – deux hautbois, deux cors et les cordes – est de dimension temporelle jusqu'alors inédite, et creuse dans son pathétique andantino ou au fil de l'inattendue section lente centrale de son final, une veine expressive tout en clair-obscur, entre mélancolie profonde et bonhomie de façade. Sept ans plus tard, c'est à « Fräulein Babette » von Ployer que probablement il pense pour son « dix-septième » concerto, en sol majeur, le quatrième des six (!) composés en cette florissante année 1784, conçu juste après le célèbre quintette pour piano et vents : c'est d'ailleurs l'émancipation de la petite harmonie, ici pimentée par l'ajout de la flûte soliste et deux bassons, qui caractérise l'œuvre, depuis l'atmosphère nocturne de son andante central jusqu'à la verve très papagénienne de son final à variations.

On connaît le tempérament de feu et la vision aiguisée très historiquement informée d', mis en exergue, à son meilleur, au fil d'un passionnant et torrentiel récital beethovénien (sonates Appassionata-Waldstein-Les Adieux, Clef Resmusica). Abordant par ce couplage, les concerti de Mozart au disque, pour une probable future intégrale avec l'ensemble , elle fait montre d'une expressivité versatile voire sophistiquée, au fil d'un concerto « Jénamÿ » par moment déroutant voire irritant. Si les premiers échanges entre soliste et orchestre au seuil de l'allegro initial laissent entrevoir une idéale complicité entre partenaires, il nous faut vite déchanter. Très aventurière et franc-tireuse, la pianofortiste use et abuse des ruptures de tempi exacerbées, d'accelerandi intempestifs, notamment au fil des figures d'accompagnement en basses d'Alberti, assez expédiées, voire ci et là d'un léger décalage des mains d'un goût quelque peu douteux, au fil des digressions et développement de ce mouvement augural. On regrette l'absence d'un véritable chef d'orchestre, bien plus nécessaire que la Konzertmeisterin au management parfois erratique, pour d'avantage cadrer une soliste aussi désinvolte. Le pianoforte signé Paul Mc Nulty d'après un Stein de 1788, semble plus bien malingre et confère timbriquement une exacerbée aura rococo à l'ensemble. Le finale semble lancé effectivement « à toute berzingue » (pour citer le beau texte de présentation de Nicolas Derny) pour tout aussi vite s'essouffler, à la recherche d'un oxygène musical raréfié. Dans ce contexte, l'andantino vraiment douloureux mais sobrement expressif, ainsi que toute la section andante centrale du finale sont autrement mieux maîtrisés, avec un sens aigu de la sonorité voilée et d'une expression plus pudique, tout à fait de mise, dans le souci d'une véritable intégration à l'orchestre.

Après cette entrée en matière assez déroutante et discutable, le Concerto en sol majeur n° 17 constitue une très heureuse surprise. change avantageusement de clavier (mais pas de facteur) pour une copie d'après un Walter de 1792, autrement charnue, colorée et sonore et en parfaite adéquation avec un orchestre à la fois plus étoffé et kaléidoscopique. Elle n'hésite pas, comme sans doute il était d'usage à l'époque, de soutenir de son pianoforte les tutti orchestraux, et fait montre cette fois d'une parfaite mesure et d'une très raisonnable agogique, au fil d'un discours pimenté d'une ornementation discrète mais efficace. L'allegro initial s'avère vraiment délicieux par sa science des contrastes, entre babil volage et amertume ombrageuse des deux groupes thématiques, ponctué de surcroît d'une cadence très libre, imaginée dans le souvenir des solfegii « sturm und drang » d'un Carl Philipp Emmanuel Bach. L'andante central est un pur miracle de poésie pudique, finement ciselé et expressif par l'étendue des registres dynamiques déployés au clavier, par ce touché sensible doublé de cet usage raffiné des pédales expressives. Enfin, la structure dialogique du finale, entre une soliste attentive et concernée, et une petite harmonie très en verve et ambivalente au gré des épisodes, permet à l'esprit bouffe de finalement l'emporter malgré l'ombrage inquiet de toute la variation centrale en sol mineur, parfaitement restituée avec un soupçon d'angoisse amère.

Au total, voici donc un bon demi-disque avec un dix-septième concerto roboratif contrasté et convaincant, rattrapant un neuvième décevant.

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