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Lucas Debargue, le piano dans les étoiles

Un pianiste inventif et atypique, un programme ambitieux convoquant Bach, Schumann, Fauré et Scriabine et un piano Stephen Paulello Opus 102 pour un récital à la Philharmonie de Paris.

Il est là sur scène depuis de longues minutes bien avant que le concert ne commence, immense, majestueux dans ses teintes mordorées, offert aux yeux ébahis du public de la Philharmonie de Paris venu nombreux pour ce récital de : un superbe Stephen Paulello d'un ambitus exceptionnel de 102 notes couvrant huit octaves et une quarte de do à fa, avec des cordes parallèles obliques dans un cadre métallique sans entretoises, trois caractéristiques réunies pour la première fois par le facteur français dans ce vaisseau de concert enrichi de nombreuses cordes supplémentaires (14 dont 9 pour les basses et 5 pour les aigus).

Au plaisir des yeux s'ajoute bientôt l'enchantement sonore dès les premières notes du Concerto italien de dont nous livre une interprétation inondée de lumière. On y admire la sonorité riche, transparente, stable dans tous les plans sonores, imprégnée de grâce et de poésie dans l'Andante, tout autant que la polyphonie claire et parfaitement agencée de l'Allegro vivace final (que le pianiste reprendra deux fois !) suppléant largement au clavecin à deux claviers par son ampleur et sa richesse en harmoniques.

Autre climat mais également beaucoup de couleurs pour la Sonate n° 3 de (1836). nous restitue avec bonheur toutes les facettes de l'univers schumanien dans sa quête amoureuse autour du thème de Clara : tour à tour tourmenté, résigné, presqu'implorant, mais également révolté et passionné, avant de retrouver espoir et joie dans un final exalté, soutenu par une virtuosité confondante.

La seconde partie de ce récital très contrasté met en miroir et dans un jeu de couple. Si l'on est immédiatement séduit par la fluidité, l'élégance capricieuse et la mouvante poésie des ruissellements quasi aquatiques de la Barcarolle n° 3 de Fauré (1885), on n'en est pas moins captivé par l'ambiance onirique, l'épure, la légèreté, le relief et la puissance de la Sonate n° 4 de Scriabine (1903) que Debargue conclut par une coda extatique. Éminemment romantique, épanouie et radieuse, la Ballade op. 19 de Fauré (1879) développe ensuite ses errances mélodiques selon une forme libre rhapsodique mêlant mélancolie et passion contenue, avant que la Fantaisie op. 28 de Scriabine (1900) n'achève ce concert dans une théâtralité exacerbée mettant à rude épreuve le pianisme du soliste. Cette pièce est un véritable morceau de bravoure, d'un héroïsme et d'une gravité hors du commun, conquérant tout l'ambitus du clavier dans une puissance résolument orchestrale qui sied à merveille au Paulello opus 102.

Trois « bis » parachèvent ce splendide récital : le rare Prélude en sol mineur op. 103 de Fauré, un extrait de la Sonatine de Milosz Magin et une composition personnelle.

Crédit photographique : © Philharmonie de Paris Live

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