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Anna Von Hausswolff, une nouvelle approche de l’orgue à tuyaux

Par une récente actualité mouvementée, la jeune artiste suédoise Anna Van Hausswolff est désormais connue du public français au travers de ses concerts d'orgue. Captée ici sur un orgue de sa ville natale Göteborg, elle nous fait découvrir un monde féérique qui plonge son auditoire en immersion sonore.

est chanteuse, pianiste, organiste et auteure-compositrice. L'orgue occupe une grande place dans sa vie d'artiste : elle se produit régulièrement au concert comme au disque. À propos de l'exigence physique d'un tel instrument, voici ce qu'elle évoquait lors d'une interview pour le journal The National : « Vous travaillez avec les mains et les pieds, et vous avez toutes ces poses que vous devez faire pour passer à des sons de flûte, ou même de trompette. Si vous jouez vite, c'est comme si vous dansiez, vous devez bouger tout le corps pour le faire jouer ». L'artiste est principalement attirée par des orgues historiques avec des caractéristiques bien particulières (traction mécanique, tempérament inégal), à l'opposé d'orgues contemporains à transmissions électriques et dotés de toute une technologie sophistiquée qui sembleraient plus adaptée au discours de notre temps.

Lors de la mise en forme sonore de l'orgue, a recours à une sonorisation de l'espace afin d'augmenter à sa manière les caractéristiques sonores de l'instrument. Un système quadriphonique apporte un surplus d'espace et de réverbération, auquel peuvent s'ajouter quelques sons électroniques. À partir de ses éléments la musicienne compose ses musiques, créant d'une pièce à l'autre des climats particuliers et bien tranchés. Son discours repose sur des nappes sonores pouvant évoluer au gré d'accords tenus, modulant tout à coup et prenant une attitude rythmique, répétitive et obsédante. Les sons tenus de l'orgue alimentent une trame serrée et envahissante depuis des timbres les plus ténus jusqu'aux « tutti » les plus impressionnants. Les transmissions mécaniques des différentes registres permettent de générer des sons nouveaux par une maitrise du vent tout à fait particulière.

Pour cet album, son choix s'est porté sur un instrument à Göteborg, dans la nouvelle église d'Örgryte où voici une vingtaine d'années fut édifié un orgue de type baroque nord-allemand de la fin du XVIIᵉ siècle, à l'image des grands instruments hambourgeois édifiés par Arp Schnitger. Les quatre claviers et le pédalier permettent à l'artiste de développer un discours profond, intense et inédit. Elle n'hésite pas non plus à faire appel à deux assistants pour le maniement des registres et le rajout aux claviers de notes ou de placements de poids sur certaines touches.

Ainsi chaque titre de l'album apporte une ambiance différente montrant ainsi les talents multiples de la compositrice : Theatre of nature évoque la naissance d'un instrument aux quatre coins de l'espace, pour s'affirmer peu à peu grâce aux jeux graves des anches du pédalier. Dolore di Orsini débute comme un ricercare italien qui se transforme peu à peu en une passacaille portée par un récit planant et extatique. Sacro Bosco utilise le bruit au passage du vent dans les tuyaux relayé par des harmoniques aiguës en contraste marqué et insistant… Entering est une courte pièce qui introduit d'avantage d'électronique et d'effets de percussion où tout passe en un éclair. Au contraire de la précédente, la pièce All thouhgts fly est la plus développée de l'album qui en porte ce titre. Il s'agit d'un mouvement perpétuel, une boucle infinie mais qui se modifie étrangement à chaque instant par un détail infime. Il y a là un rapprochement à faire avec l'écriture baroque qui elle aussi semble souvent carrée, symétrique et qui pourtant se caractérise par des détails changeants et qui en font toute la saveur du discours. Le mouvement est envoûtant et charmeur, grâce aux sonorités typées de l'orgue et en particulier l'utilisation de diverses flûtes. La pièce se termine dans un « tutti » étourdissant. L'album s'achève discrètement avec Outside the gate, en guise de résumé de ses inspirations organistiques, marquées par une écriture tonale et un lâcher-prise sensible.

Certains y verront bien entendu certaines influences dont la première fut sans doute celle de son père le compositeur Carl Michael von Hausswolff. Les autres sont à chercher au sein de divers courants musicaux depuis les années 60, dans le monde du classique et de la pop. Grâce à et ses musiques pour orgue, preuve est faite aussi qu'un instrument de type baroque peut magnifiquement s'adapter à un discours tel que le sien. Telle est bien l'une des caractéristiques de l'orgue où tout peut être renouvelé et nous étonner durablement.

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