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Sonoma, la fable choc de La Véronal

D'une grande efficacité visuelle, Sonoma est une fable paysanne exclusivement féminine. , le directeur artistique de la compagnie , convoque aussi bien l'Espagne traditionnelle dépeinte par Luis Buñuel que les images surréalistes.

Le spectacle est un art, et , directeur artistique et chorégraphe de , une compagnie espagnole qui sillonne le monde depuis plus de dix ans, l'a bien compris. Parmi ses sources d'inspiration principales, comme on avait pu le voir dans Voronia présenté au Théâtre de Chaillot en 2016, figurent l'Espagne franquiste, les traditions paysannes et le fanatisme religieux. Il s'inscrit aussi à travers ses spectacles dans une tradition narrative de la danse, qui va de Noces de Nijinska à La Maison de Bernarda, de Mats Ek.

C'est fort de toutes ces influences que met en scène Sonoma, qui reprend les idées essentielles de la pièce Le Surréalisme au service de la Révolution, qu'il avait créé en 2016 pour le Ballet de Lorraine autour de la figure de Buñuel. Après un prologue dans lequel les danseuses évoluent comme des poupées russes en glissant et tournoyant sur le sol, des silhouettes anonymes vêtues de robes et jupes longues en toile brune, fichus et visages masqués, font leur apparition. Elles semblent appartenir à une communauté de femmes pieuses, dont deux d'entre elles ont le visage surdimensionné de vieilles femmes. Marcos Morau aime aussi en effet utiliser masques et marionnettes, comme ce géant sans tête en costume XVIIIe siècle pour donner à ses images une dimension fantastique.
La musique, basé sur des polyphonies populaires d'Europe centrale (bulgares, entre autres) est un ingrédient subtil et essentiel de l'impact du spectacle. Le rythme dicte la chorégraphie, excellente, à laquelle ont contribué les dix danseuses. Il n'y a jamais aucun répit et les séquences se succèdent, remplaçant une image par une autre, subjuguant toujours davantage par sa maîtrise dramaturgique et scénique. L'un des atouts majeurs de cette maîtrise est le contraste entre des costumes traditionnels à l'aspect ancien et des techniques corporelles rapides et vives qui semblent empruntées aux danses urbaines.
Les femmes et les jeunes filles qui nous sont données à voir sont-elles des sorcières ou des pythies ? De jeunes pensionnaires ou de vieilles villageoises ? Lentement, en passant de main en main des boules lumineuses, elles édictent des commandements moraux qui font écho aux « Bienheureux les pauvres » qu'elles avaient psalmodié au début du spectacle. Coiffées de gigantesques coiffes fleuries, ces jeunes débutantes se lancent alors dans des vocalises polyphoniques bluffantes, qui témoignent de leurs multiples talents artistiques.

Crédits photographiques : © Anna Föbrega, Alex Font

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