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Thaïs revient à Tours sous les couleurs de Michel Plasson

Reprise à Tours, la production de l’Opéra de Monte-Carlo reçoit une nouvelle distribution ainsi que la direction colorée du grand Michel Plasson.


Composé à partir de 1891 par Jules Massenet avec en tête la voix de la soprano Sybil Sanderson, triomphatrice dans Manon au même moment, Thaïs s’inspire du roman d’Anatole France avec un livret simplifié par Louis Gallet pour s’adapter parfaitement à la dramaturgie opératique. Créé en 1894 et revu dès les premières représentations, l’ouvrage est retouché en 1898 avec l’ajout du tableau de l’Oasis à l’acte III et un nouveau ballet, déplacé à l’acte II. Version la plus aboutie, c’est aujourd’hui encore la plus donnée et celle choisie à nouveau par Michel Plasson pour être reprise au Grand Théâtre de Tours.

Couverte lors de sa création à Monte-Carlo, la production de Jean-Louis Grinda n’avait pas convaincu et ne convainc toujours pas en réel, tant les décors (Laurent Castaingt) ont un aspect plastifié et les costumes (Jorge Jara) sont caricaturaux. Seules les lumières (Thomas Giubergia), surtout au dernier tableau, et dans une moindre mesure les vidéos (Gabriel Grinda), relancées par un miroir incliné au-dessus de la scène, parviennent à parfois rendre grâce à l’histoire de cette jeune pécheresse, ramenée dans le droit chemin par Athanaël, qui sombre à l’inverse dans l’amour interdit. Du texte d’Anatole France, véritablement anticlérical, ne reste que la douceur dans le livret de Gallet, ce que ne remet jamais en cause Jean-Louis Grinda, ne donnant qu’une vision classique de chaque scène, sans non plus particulièrement travailler la dramaturgie.

Plus intéressante, la distribution met en avant de nombreux chanteurs français, à commencer par la Thaïs de Chloé Chaume, d’un registre aigu vaillant et brillant, moins bien secondé toutefois par son médium et surtout le bas-médium, chanté sur une seconde voix presque poitrinée. André Heyboer retrouve l’habit d’Athanaël, et si le timbre est clair et le chant distinct, ses grands monologues comme les duos avec la soprano pâtissent de son manque de sensibilité. Kevin Amiel ne possède pas plus d’émotion et expose un chant trop nasal pour réussir à toucher en Nicias ; il passe alors lui aussi à côté de son grand duo. Heureusement, les seconds rôles ravissent bien plus, d’abord les graves de la basse Philippe Kahn pour Palémon, puis surtout les magnifiques Crobyle et Myrtale de la soprano espiègle Anaïs Frager et de la mezzo langoureuse Valentine Lemercier, toutes deux d’un timbre accordé dès leurs rires superbement éclairés de l’acte I.


Également attirante, la Charmeuse de Jennifer Courcier parvient à faire vivre son court personnage, tout comme Hagar Sharvit donne à Albine une véritable présence au sixième tableau. Préparé par son nouveau chef, David Jackson, le Chœurs de l’Opéra de Tours porte toutes ses scènes, que les musiciens ne soient qu’en petit nombre comme à l’introduction, ou plus nombreux comme à l’acte II d’Alexandrie. Les danseurs se présentent aussi impliqués au même acte, notamment les trois hommes et trois femmes du ballet, d’abord chorégraphié (Eugénie Andrin) avec des pas de street dance. Et puis surtout, le directeur de l’Opéra de Tours, Laurent Campellone, a eu l’excellente idée de proposer la direction musicale au vétéran Michel Plasson (86 ans), toujours très précis dans ses demandes et sa gestion de la fosse. Alors, l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours se colore, et si la lecture manque aussi parfois de romantisme, elle délivre mille nuances à ce drame oriental, magnifié par les soli du premier violoncelle d’abord, puis par la célèbre Méditation, superbe sous le premier violon de Tiphaine Gaigne.

Crédits Photographiques : © Marie Pétry

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