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Une création d’Hèctor Parra au Nouveau Siècle de Lille

Sur le plateau du Nouveau Siècle, est à la tête de l' dans un programme très ambitieux où le répertoire du XXᵉ siècle côtoie une création française d'.


Chaque rendez-vous avec le public est aujourd'hui un « petit miracle », rappelle le chef d'orchestre , confronté au risque quotidien des annulations pour cause de pandémie.

L'ouverture est courte, propice à délier les archets et les anches de l'orchestre, avec D'un matin de printemps de . Le titre évoque les pages impressionnistes du premier Debussy mais la manière orchestrale regarde davantage vers Dukas, ses textures claires et traits jaillissants où les bois solistes sont mis en valeur.

En création française, la pièce d' qui lui succède est d'une autre envergure, trente-cinq minutes d'une musique saisissante, quasi obsessionnelle, avec une matière dense où l'énergie du son et du geste est sans cesse réamorcée. L'actualité est riche pour le compositeur catalan, applaudi, il y a peu, sur la scène de la Cité de la musique pour sa pièce à deux ensembles La mort i la primavera. Un même enjeu dramaturgique sous-tend cette nouvelle partition dévoilée au public lillois. Avant la fin… Vers où? est une co-commande de l', où le compositeur a été en résidence entre 2016 et 2018, et de l'Orchestre National d'Espagne qui l'a créée à Madrid en 2019. C'est la pièce d'orchestre la plus longue jamais écrite par le compositeur, qui fait suite au monodrame Te craindre en ton absence (pour actrice, ensemble et électronique) conçu en collaboration avec la romancière Marie Ndiaye et donnée sur la scène des Bouffes du Nord en 2014. Parra prélève quelques passages du texte sur lesquels se trame la partie orchestrale comme un véritable poème symphonique. Le climat est sombre (l'expressionnisme schönbergien s'entend dans les premiers accords), l'écriture richement texturée et rehaussée d'une percussion très active (coups immodérés d'une grosse caisse omniprésente), à l'image du labyrinthe émotionnel tissé par le récit de l'écrivaine. Une voix semble se faire entendre, à travers les solos de la flûte et du basson, une voix tendue parfois jusqu'au cri : on ressent de la violence dans les affects chez un compositeur qui ménage, cependant, une part de lyrisme dans ses lignes et des arrêts sur image d'une grande beauté, déployant le spectre des couleurs. S'il nous manque un rien de définition dans le son pour apprécier pleinement la virtuosité polyphonique de l'orchestre, l'énergie et l'engagement dispensés par le chef et ses musiciens pour tenir à bras le corps une matière quasi volcanique forcent l'admiration.

Exit le Concerto n°2 de Liszt. , qui remplace au pied levé Nicholas Angelich, a mis à son programme le Concerto en sol de Ravel, une œuvre qu'il possède pleinement et qu'il joue avec une vitalité galvanisante. De fait, l'orchestre met un peu de temps à prendre la cadence dans un premier mouvement où les équilibres sonores et l'assise rythmique peinent à s'instaurer, n'altérant en rien l'énergie du jeu et la brillance du pianiste. Ils seront plus en phase dans un finale ébouriffant – on ne peut guère le prendre plus vite – que notre soliste pulvérise avec une aisance déconcertante. La magie ravélienne opère dans le mouvement central, à l'entrée de l'orchestre notamment où fusionnent les deux sources sonores. Le solo de cor anglais est irréprochable, qui réexpose le thème sur les arabesques fluides et joliment timbrées du pianiste. Notre soliste offre en bis au public lillois la mystérieuse Pavane pour une Infante défunte qu'il fait sonner magnifiquement, entre caresse et plénitude du son.

L'Oiseau de feu de Stravinsky, du moins la Suite de ballet de 1919, est au répertoire du chef comme de l'orchestre, interprété ce soir avec panache et pour notre plus grand plaisir même si les cinq numéros sélectionnés par le compositeur nous paraissent aujourd'hui un rien réducteurs au vu de la partition intégrale du ballet. On n'est pas moins captivé par les couleurs d'une orchestration somptueuse où la ductilité et la lumière des bois de l' le disputent à la rondeur du cor solo et à l'acidulé du basson : précision et réactivité d'un orchestre chauffé à blanc sous le geste de qui termine la soirée dans la féérie des timbres et l'envoûtement des tournures orientalisantes.

Crédit photographique : Orchestre national de Lille

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