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À Luxembourg, programme « Eden » avec Joyce DiDonato et Il Pomo d’Oro

Dans le contexte international que nous connaissons aujourd'hui, délivre son message d'espoir, par lequel l'ensemencement, de l'art et de la création, est l'antidote à la guerre.

Après des programmes thématiques comme « Drama Queens », « Stella di Napoli » et surtout « In War and Peace », c'est au thème de l'Eden que s'intéresse aujourd'hui , accompagnée de l'ensemble Il Pomo d'Oro et de son chef . Le programme se déroule ainsi au cours d'un parcours musical dans un jardin des délices très personnel, où s'épanouissent des pages couvrant près de quatre siècles de musique. Des premiers baroques comme Cavalli, Uccellini ou Biagio Marini aux compositeurs du XXᵉ siècle comme Mahler, Ives ou Copland, c'est toute l'histoire de la musique et de l'opéra qui se lit dans cette heureuse succession d'extraits musicaux plutôt disparates, réunis pourtant dans un projet fédérateur. Ce dernier consiste à mener le public dans une exploration des beautés de la nature destinée à questionner la place de l'humain dans le monde qui l'entoure. Les mystères de la création, le rapport de l'homme à son créateur, la destruction possible du patrimoine naturel par l'être humain sont autant de déclinaisons du thème central du Paradis terrestre, tout à tour perdu et reconquis. Dans un tel contexte, on ne s'étonnera pas que Mahler succède à ou à Haendel, que Copland soit encadré par Mysliveček et Giovanni Valentini.

On pourra s'interroger sur la nécessité de la mise en espace, même si le dispositif scénique donne un reflet insoupçonné à certains enchaînements et contribue à la soudure des différents extraits. La symbolique des deux arceaux pourra paraître obscure – l'arc de Cupidon ? Celui des Amazones ? L'Arche d'Alliance ? les côtes d'Adam ? –, mais elle donne lieu à quelques images mémorables, notamment à la fin de l'air de Theodora, quand toutes les pièces du puzzle circulaire sont mises bout à bout.

La réalisation musicale est de toute première qualité, même si l'on pourra s'étonner d'entendre Mahler ou Wagner joués sur des instruments baroques. Si la netteté et la précision des musiciens d'Il Pomo d'Oro sont des atouts appréciables dans les pièces des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, les couleurs orchestrales de l'ensemble ne sauraient rendre justice aux déferlements orchestraux de « Schmerzen ». On pourra regretter également le caractère presque intrusif du cor soliste de « Ich bin der Welt abhanden gekommen ». Dans les pages contemporaines, contre toute attente, la formation orchestrale a davantage remporté l'adhésion.

Le spectacle, on s'en doute, repose sur l'extraordinaire présence scénique et vocale de . Au sommet de son art, la cantatrice américaine déploie avec ferveur et volupté un instrument de plus en plus soyeux, qui sait se faire claironnant dans les pages qui nécessitent force et puissance. On la préfère encore dans ces filés infinis au pianissimo impalpable qu'elle réserve pour les morceaux faisant appel à la sobriété et à l'intériorité.

C'est la grande mezzo qui est l'instigatrice et la conceptrice de ce programme, inspiré lors des deux années de solitude et de réflexion liées à la pandémie du Covid-19. De manière à appuyer le message d'espoir nécessaire en ces temps sombres, le bis « officiel », inscrit au programme, se prolonge avec un morceau, chanté par un chœur d'enfants luxembourgeois, composé sur le thème de l'ensemencement, de l'art et de la création. Joyce DiDonato nous rappelle que c'est aujourd'hui le seul antidote possible à la nouvelle crise que traverse le monde. Ce concert en forme de message de paix, d'amour et d'espoir s'achève avec le célébrissime « Ombra mai fu » de Haendel, perpétué depuis des générations sous l'appellation du fameux Largo, transformé en un nouveau message d'espoir : respirez, plantez une graine et faites chanter les arbres.

Crédit photographique : Joyce DiDonato © Philharmonie Luxembourg

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