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Des concertos de Brahms par Mūza Rubackytė

Grande interprète de la musique slave pour piano, spécialiste incontestée de Liszt, défricheuse inconditionnelle de partitions peu fréquentées, la pianiste franco-lituanienne Mūza Rubackytė n'en dédaigne pas moins le « grand » répertoire. Elle se plonge dans l'univers symphonique et concertant de Brahms.

Distants d'un quart de siècle, les deux concertos pour piano révèlent le caractère d'Allemand du nord de Brahms, porté à l'intériorité et à la rêverie, proche des mystères et des violences de la nature.

Le Concerto n° 1 en ré mineur op. 15 est l'œuvre d'un jeune homme de 21 ans, romantique passionné, amoureux de Clara Schumann. On connaît sa longue gestation évoluant d'une sonate à deux pianos, devenant une ébauche de symphonie avant de prendre la forme définitive d'un concerto. C'était le plus long concerto composé jusqu'alors, qui rencontra l'incompréhension du public et attendit de longues années avant d'en être apprécié. L'entrée tempétueuse du piano, succédant à la longue et intense introduction orchestrale convient parfaitement au tempérament fougueux de la pianiste. Le piano dialogue d'égal à égal avec l'orchestre d'une bonne homogénéité sous la baguette vive et précise du chef Renato Baslsadonna. Mūza Rubackytė aborde la méditation de l'Adagio avec profondeur et une touchante sensibilité avant de de transmettre une belle intensité expressive, légère et gracieuse dans le Rondo final.

Créé en 1881 à Budapest, le Concerto n° 2 en si bémol majeur op. 83 présente une structure originale en quatre mouvements, ainsi que d'immenses difficultés pour le soliste et pour l'orchestre. D'une écriture plus fantaisiste avec des humeurs changeantes, il affirme un caractère symphonique à tel point qu'il fut considéré à sa création comme « une symphonie avec piano obligé ». À la différence du premier, ce concerto de la maturité connut immédiatement un grand succès, qui ne se démenti plus. Son écriture plus claire et son style pianistique enrichi de couleurs miroitantes ont largement contribué à ce succès durable. Dirigé cette fois-ci par le chef , l'orchestre et la pianiste établissent un riche partenariat entre dialogue et lutte. L'atmosphère héroïque se teinte de poésie, surtout dans l'Andante avec ce bel échange entre le piano et le violoncelle solo. Avec une maîtrise confondante, Mūza Rubackytė module son jeu puissant par un toucher d'une élégante variété.

Loin d'une version supplémentaire de ces œuvres assez fréquentées, ces deux captations de concert au Vilnius National Phiharmonic Hall, d'une belle vitalité, apportent à Brahms une couleur d'Europe Centrale dont Antonín Dvořák saura s'inspirer.

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