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Tiago Guedes, directeur du Teatro Municipal do Porto

Pour la Saison France-Portugal 2022, les Spectacles vivants du Centre Pompidou et le Teatro Municipal do Porto s'associent pour proposer Regards sur la scène portugaise, une programmation foisonnante, conçue par , chorégraphe et directeur du Teatro Municipal do Porto et Chloé Siganos, programmatrice Spectacles vivants au Centre Pompidou. Des artistes transdisciplinaires et décomplexés, dont les identités plurielles assument l'héritage culturel. Retour avec sur la genèse de cette programmation.

ResMusica : Dans quel contexte s'inscrit la programmation que vous proposez avec Chloé Siganos au Centre Pompidou du 18 mars au 2 avril 2022 ?

: Dans ce cadre de la saison croisée Portugal France nous avons été sollicités par plusieurs partenaires français. Pour le Centre Pompidou, l'objectif était de présenter des projets indisciplinaires, où les disciplines se mélangent avec une idée du futur. Nous souhaitions explorer comment ces artistes font des rencontres avec d'autres cultures, et comment ils mélangent un peu tout cela. Pour la plupart, il s'agit d'artistes avec lesquels nous travaillons régulièrement au Théâtre municipal de Porto. Ils ne sont pas très connus, mais ont un grand potentiel de développement artistique.

RM : Participez-vous à d'autres événements dans le cadre de la saison France-Portugal ?

Tiago Guedes : Oui, nous participons à quatre autres projets. Nous collaborons avec le Théâtre national de la danse de Chaillot pour un focus sur la danse portugaise en octobre 2022 dans les salles et les foyers, nous avons un projet croisé Danse Dança, également en octobre avec La Manufacture à Bordeaux et deux autres projets avec le Théâtre de la Ville pour des créations conjointes entre artistes français et portugais.

RM : Quels sont les liens culturels entre la France et le Portugal ? En quoi la danse est-elle particulièrement concernée ?

Tiago Guedes : Pour nous, c'était presque une continuation du travail que nous faisons déjà, mais dans un contexte plus politique. A Porto, nous accueillons à chaque saison des artistes français, depuis que je dirige le théâtre en 2014. Ce lien avec la France vient de loin. Les Portugais ont toujours présenté leur travail en Europe, à commencer par la France. Au Portugal, il y a également cette tradition. Autrefois, la première langue étrangère enseignée au Portugal était le Français et la France entretient une connexion assez organique avec le Portugal. Cette complicité a perduré. Aujourd'hui, ces artistes sont coproduits par des institutions françaises, ou diffusent leurs spectacles en connexion avec producteurs français.

« La France entretient une connexion assez organique avec le Portugal. »

RM : Dans les années 90, la danse portugaise s'est fortement développée sous l'égide d'une nouvelle génération de chorégraphes, comme , , ou . Une nouvelle génération a-t-elle pris la relève de ces pionniers ?

Tiago Guedes : Cette génération avec laquelle nous travaillons encore beaucoup était très importante car elle a ouvert les portes conceptuelles et artistiques pour beaucoup d'autres Portugais, mais aussi ces connexions avec ces artistes. Il y a eu un moment au début du XXIᵉ où la danse était moins représentée, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Il existe désormais toute une nouvelle génération d'artistes qui commence à être repérée en France : Tania Carvalho, , , l'un des artistes dont est programmée une création croisée au Théâtre de la Ville. Tout comme , que nous présentons au Centre Pompidou et qui a participé au programme Exerce à Montpellier auprès de Christian Rizzo.

RM : Quelle est la situation économique de la danse contemporaine au Portugal aujourd'hui ?

Tiago Guedes : Il existe une politique de soutien à tous les arts de scène, de support pour la diffusion et il y a des artistes portugais qui se coproduisent hors Portugal. Ce n'est certes pas comparable au système de soutien qui existe en France, mais nous avons bien progressé. Un système d'indemnisation des artistes, comparable à celui des intermittents en France, vient d'être voté par le Parlement portugais. On sent que la situation est très différente de celle des années 90. Même si elle n'est pas du tout parfaite et démarre, le soutien de l'État est tangible.

Le Portugal est un petit pays et peu de villes ont des institutions culturelles qui peuvent coproduire. Une dizaine de villes seulement peuvent le faire et accompagner sur la longueur les artistes, en coproduction, en création et aussi pour les résidences artistiques. A Porto, nous accueillons chaque année une quarantaine d'artistes en résidence dans notre nouveau lieu et une trentaine de coproductions par an tous genres confondus dans le Théâtre ou à l'occasion du festival Dias da Dança.


RM :
Pouvez-vous me parler des artistes invités au Centre Pompidou ?

Tiago Guedes : est une artiste intéressante dont nous suivons le travail depuis toujours. Elle a suivi sa formation initiale au Portugal, puis est partie à Montpellier dans le cadre du programme Exerce. Son travail chorégraphique est à l'intersection de la danse, de la scénographie et de la lumière, pour des spectacles très futuristes, dans des temps imaginaires. Cabraquimera, son dernier spectacle, est mu par l'idée que les corps ont été modifiés pour gagner de la vitesse. Tout le spectacle est interprété sur des patins à roulettes et les corps sont activés au maximum de leur vélocité. Elle s'appuie sur un travail de lumière magnifique, qui le rapproche d'un spectacle visuel. Pour la musique, elle a collaboré avec un compositeur uruguayen qui donne un contexte très spécifique et mélange les cultures. Cela produit un spectacle très étonnant, qui dépasse le seul spectacle chorégraphique.

Jonathan Uliel Saldanha est un artiste indiscipliné et multidisciplinaire, qui vient surtout des arts visuels et de la musique. Il présente au Centre Pompidou HHY & The Kampala Unit un concert conçu dans le cadre d'une résidence en Ouganda où il est resté coincé six mois à cause du Covid. Il en a profité pour connaître la scène de la musique ougandaise, qui est très riche. Il a travaillé avec une musicienne trompettiste ougandaise et un percussionniste du Congo pour ce concert à trois. Le concert offre une confluence des sonorités de ces trois pays, pour créer un territoire musical hors du temps, qui nous projette vers le futur.

Crédits photographiques : © Jose Caldeira

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