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Alexandre et Jean-Jacques Kantorow réalisent une version de référence des concertos de Saint-Saëns

Au concert comme au disque, s'affirme comme l'un des grands musiciens de la scène internationale. Ce disque qui clôt son intégrale des œuvres concertantes de Saint-Saëns est à marquer d'une pierre blanche.

Dès les premières mesures de l'inusable Concerto pour piano n° 2, dans la lente progression du clavier qui retrouve le caractère improvisé de cette sorte de toccata qui rend hommage à Bach, nous sommes pris par l'intensité de l'interprétation. C'est un piano à la fois gorgé d'intentions, volontairement spectaculaire, mais pour lequel toute boursouflure est prohibée. Musique française oblige. Kantorow fils et père suscitent, d'emblée, la concentration de l'auditeur qui a bien envie de connaître la suite de l'histoire. Pour nous maintenir dans l'ambiance, piano et orchestre sont captés avec beaucoup d'espace, favorisant ainsi les solos des vents. Se créent de nombreux dialogues dans une atmosphère de passions à peine contenues. La maîtrise absolue des respirations, de la forme et la beauté du toucher enthousiasment. Le piano chante, galope, percute, scintille, avec une régularité modelée par la souplesse. Cela bouillonne aussi du côté de l'orchestre, sans frénésie ou duretés. Peut-on mieux faire ? Il faut se souvenir alors de Rubinstein, Ciccolini et Thibaudt et se dire que nous possédons ici, et en prime, une prise de son splendide. Avec ses sonorités de cuivres d'une saveur chasseresse digne de Weber, le Concerto pour piano n° 1 est ciselé dans une réalisation aussi luxueuse. Les lignes mélodiques tantôt dansantes, tantôt voluptueusement arrondies allègent cette page dont on ne se souvenait pas qu'elle pouvait être aussi chatoyante et humoristique ; Humoristique car elle joue du pastiche, notamment dans le troisième mouvement. Être si précis dans l'interprétation tout en respectant l'esprit de la fantaisie avec ces développement de thème inachevés, ces faux départs et digressions en stuc, cela ne s'entend que dans les très grands concerts.

La virtuosité transcendante est au rendez-vous des autres pièces concertantes dignes du musicien « le plus complet que la France ait produit » selon Gabriel Fauré. Saint-Saëns possédait, en effet, le génie de l'élégance comme en témoigne la Valse-Caprice, révérence aux salons parfumés de la grande bourgeoisie. Il n'empêche, ces douceurs sonores dignes des pâtisseries du faubourg Saint-Honoré de la Troisième République naissante sont jouées avec juste ce qu'il faut de crème acidulée. Cela titille les oreilles ! Tout cela s'oppose à la prétention germanique, y compris dans le caractère chopinesque de l'Allegro appassionato, et plus encore, dans le caractère rhapsodique d'une Africa plus arabique que noire et dont le titre seul en assura la promotion. Le bâillement est impensable dans ces pages divinement creuses car les interprètes y impriment une liberté et une inventivité sans limite. Ils vont jusqu'à nous faire croire que les bijoux de fantaisie qu'ils portent possèdent des reflets de diamants. Du grand art !

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