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Une Messe en si de Bach émouvante par l’Ensemble Arianna

Par deux fois durant le week-end dernier, Montpellier a pu résonner d'une grande œuvre emblématique de , la Messe en si, hautement portée par les musiciens de l' et du chœur sous la direction lumineuse de .

Retrouver en concert la Messe en si de Bach relève à chaque fois d'un voyage initiatique quelque peu sidérant. Devant nos yeux et nos oreilles se déploie sans doute l'une des œuvres les plus achevées de l'art vocal occidental, traversée de part en part par un génie d'une force incommensurable. En effet dès les premières mesures de l'ouverture de la Messe, l'auditeur est pris dans un tourbillon enivrant avec le premier thème du Kyrie exploitant chromatismes et forme fuguée. Une lente vague monte et se répand peu à peu dans l'espace. La basilique Notre-Dame des Tables de Montpellier, lieu chargé d'histoire, offre dans son esthétique très italienne une acoustique favorable dès lors que les musiciens sont disposés de manière cohérente.

avec ses ensembles vocaux et instrumentaux de musique ancienne est connue depuis très longtemps en cette cité pour ses recherches informées sur l'interprétation baroque et la réalisation de concerts ou de CD déjà salués dans nos pages. Ici, depuis son clavecin tourné vers ses musiciens, elle insuffle à l'ensemble une dynamique et une efficace définition du discours musical. On est frappé par l'équilibre des différents pupitres, chacun à sa place, jouant son rôle précis tel que Bach l'a construit. Les instruments anciens dans leurs couleurs et leur intensités spécifiques, les effectifs, les techniques anciennes d'exécution, tout cela concourt à épurer la musique et en révéler toute sa puissance.

Cette œuvre exigeante demande un plateau conséquent de solistes vocaux (2 sopranos, 1 alto, 1 ténor et 1 basse), avec un chœur également à 5 voix, passant à 6 voix au Sanctus et à 8 pour l'Hosanna. L'ensemble vocal est proportionné en un effectif qui s'harmonise parfaitement avec les instruments. On remarque en particulier ici le liant de l'orgue positif qui, pourvu d'un principal de huit pieds, apporte toute la présence et l'assise nécessaires d'un continuo fourni, avec le violoncelle, le violone et le clavecin directeur.

Quelques jours auparavant à Montpellier et dans le cadre de ces rencontres autour de cette Messe, une conférence donnée par Corinne Schneider, musicologue et productrice de l'émission « le Bach du Dimanche » sur France Musique, avait permis de mieux connaitre l'histoire de cette œuvre, dont la genèse est complexe. En effet tout débute en juillet 1733, lorsque Bach envoie à la cour de Dresde vingt et une parties séparées qui forment le corps de sa Missa. Une dédicace les accompagne : « À son Altesse Royale et son altesse sérénissime le Prince électeur de Saxe. » On sait que Bach espérait devenir musicien à la cour de ce monarque, futur roi de Pologne. À partir de certaines musiques déjà composées, Bach synthétise une œuvre nouvelle, d'essence catholique, une messe, lui le luthérien et livre ainsi au monde l'une des plus belles jamais composées.

Cette version marquante touche, happant d'un bout à l'autre. Avec conviction, dirige souplement de la main droite et soutient fermement au clavecin de la main gauche en un élan communicatif, révélant tout encore un travail en profondeur de précision et de justesse de style auprès de ses musiciens, dont on apprécie particulièrement la jeunesse et la fraicheur des voix féminines. Certains moments atteignent le sublime dont le fameux air de cor du Gloria magistralement joué par Lionel Renoux sur un cor naturel et chanté par Olivier Dejean ou l'Agnus Dei et la voix chaude d'. Pour autant toutes les autres parties de la Messe sont de cette même qualité : une vision d'ensemble claire, cohérente et surtout profondément émouvante où la rhétorique baroque demeure reine.

Crédit photographique © Catie Chapelier

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