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Vladimir Jurowski explore les modernités musicales à Munich

Le Stravinsky de 1911 est plus stimulant que le Penderecki de 1983, mais la juxtaposition vaut le détour.

Il y a, même dans les plus jeunes générations, des chefs qui veulent se faire remarquer en se confrontant aux stars du passé à coups de tubes, et il y a des chefs qui ont à cœur de proposer leurs propres chemins pour l'exploration du répertoire. est l'un d'entre eux, comme le prouvent encore ses programmes symphoniques à l'Opéra de Bavière. Cette fois, il met en regard Penderecki et Stravinsky, à travers une œuvre courte et une œuvre longue pour chacun, et il explique sa démarche au début des deux parties du concert.

La soirée commence par la musique du film Manuscrit trouvé à Saragosse de Wojciech Has, chef-d'œuvre trop méconnu du cinéma, qui vaut bien les trois quarts des classiques hollywoodiens. Pour la musique du film, Penderecki avait composé à la fois des pastiches néo-classiques et de la musique électronique ; Jurowski ne joue ici que des extraits des pastiches, à travers une sorte de mini-suite arrangée par Penderecki lui-même et complétée par l'ouverture du film, que Jurowski a dû reconstituer à partir de l'enregistrement original, d'une piètre qualité technique. Le résultat est divertissant, mais guère plus. Le Concerto n° 2 pour violoncelle est naturellement autrement plus substantiel, et , violoncelle solo de l'orchestre, en est le soliste inspiré. Créée en 1983 par Rostropovitch, l'œuvre est typique du virage artistique de Penderecki tournant le dos aux avant-gardes musicales, et ce type de retour vers le passé est rarement un grand succès. Une comparaison avec le premier concerto (1967), autrement plus stimulant et inventif, le montre.

La deuxième partie commence par l'hommage de Stravinsky à l'écrivain Aldous Huxley, qu'il présente en détail avec beaucoup de clarté. On ne retrouve à vrai dire pas cette clarté dans son interprétation de l'œuvre, sans doute par volonté de donner une expressivité et une chaleur à une œuvre dont la séduction austère est ailleurs.

Le grand moment du concert est naturellement Pétrouchka. Jurowski n'en fait pas tellement la fête de la couleur et du rythme que les meilleurs chefs savent en tirer, mais il donne à la partition un souffle et une ampleur remarquables. On a entendu des interprétations plus enivrantes, mais Jurowski fait respirer la musique de manière particulièrement stimulante – et ce regard inhabituel permet d'y découvrir de nouveaux trésors. L'entente du chef avec ses troupes ne cesse de se confirmer, et cet orchestre de fosse, qui n'a que six fois par an l'occasion de montrer son talent symphonique, prouve qu'il est un des meilleurs orchestres européens. Le grand bonheur soliste de la soirée vient d'une flûte solo éloquente et sensuelle.

Crédits photographiques : © Wilfried Hösl

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