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Musique et écologie avec Stefano Gervasoni

Les trois œuvres réunies dans ce nouveau CD monographique du prolifique entretiennent des liens explicites ou souterrains avec d'autres partitions du compositeur. Elles traitent également toutes trois d'un sujet en rapport avec notre environnement naturel.

Leurs titres se réfèrent à la nature. Sur fond d'engagement écologique, Gramigna (« Mauvaises herbes ») est une pièce en neuf mouvements/Bagatelles, dont explicite la genèse non sans humour. L'image est drôle, en effet, du compositeur-fermier qui se laisse déborder par la vitalité du sol qu'il cultive et se voit réduit à enlever les « mauvaises herbes » d'un terrain (sa composition) dont les perspectives se sont modifiées : l'oreille est en alerte, captivée par une musique de l'inattendu, aventurière et émaillée de trouvailles, dont l'univers poétique et onirique nous enchante : avec ici le timbre singulier du cymbalum associant ses couleurs à celles de l'ensemble instrumental – superbe – ou jouant en relais avec elles : comme dans cette avant-dernière bagatelle, solaire et très donatonienne, Corsa rincorsa, où les musiciens entretiennent sans faillir les rouages d'un mouvement répétitif et cinétique.

Bucolique elle-aussi, Prato prima presente fait référence au film de Pier Paolo Pasolini, Uccellacci e Uccellini (Les oiseaux, petits et grands). L'œuvre utilise un matériau préexistant : celui de Masques et Berg (2009), des trois premiers préludes du cycle de piano Prés (2008-2015) et un mouvement du deuxième quatuor à cordes du compositeur : un recyclage qui pose les questions de cohabitation entre les matériaux et leur altération au sein du nouvel environnement. Dans la musique de Gervasoni, le poète parle, comme chez Schumann, dans le dernier mouvement de ses Scènes d'enfants. Le compositeur construit son espace, forme ses images et donne vie à son imaginaire sonore à travers une recherche très fine d'associations de timbres, avec le plaisir du jeu et de la combinatoire, et cette part de fantaisie qui infiltre sa musique : autant de singularités dont relève également Nubbe obbediente (Nuage obéissant) pour trombone, percussion et ensemble, qui recycle elle aussi, du matériau déjà utilisé, celui du cycle pour piano Prés là encore. Nubbe obbediente est, à l'origine, une pièce de théâtre musical à caractère pédagogique, en direction du jeune public, conçue pour le sensibiliser au problème du réchauffement climatique. La discontinuité est de règle, au sein d'un espace où les couleurs, les figures sonores sont distribuées de manière aussi libre qu'inattendue : fluctuation incessante de tempo, silences abrupts et relances du mouvement. Gervasoni articule ses figures, superpose les instruments solistes (trombone et marimba), ose des confrontations inouïes, toujours avec finesse et virtuosité, pour retrouver, au-delà de la disparité, l'élan du flux poétique. L'enregistrement est soigné et l'équilibre des forces très contrôlé dans l'interprétation exemplaire du dirigé par son chef .

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