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Andris Nelsons et l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig : du Strauss sinon rien !

Absent de la scène parisienne la semaine dernière avec son orchestre de Boston, est ce soir bien présent dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris avec celui du Gewandhaus de Leipzig pour une série de deux concerts centrés pour l'essentiel sur les poèmes symphoniques de .

Dans un saisissant raccourci thématique allant du romantique Don Juan (1889) au Surhomme nietzschéen d'Ainsi parlait Zarathoustra (1896), et son orchestre saxon rendent un bel hommage à la beauté de l'orchestration straussienne, tandis que Rudolf Buchbinder s'attelle, dans un regard un peu passéiste, à la juvénile Burlesque pour piano et orchestre (1886).

Du poète Nikolaus Lenau, n'aura retenu que les thèmes du désir, de la possession et du désespoir pour jalonner le douloureux parcours de son héros Don Juan vers un inaccessible idéal…Une véritable quête initiatique à rebours qu' nous brosse malheureusement à gros traits, dans un phrasé massif d'où peinent à émerger les différents contrechants. Si l'entame est épique à souhait, plein de panache, à l'image du héros, la première section centrée sur le thème du désir parait quelque peu confuse et précaire dans l'équilibre des pupitres, manquant tout particulièrement de nuances, de volupté et de sensualité dans l'évocation du discours amoureux. On retiendra de belles performances individuelles comme la magnifique cantilène du hautbois joliment soutenu par la harpe et les interventions ponctuelles du violon solo de Sebastian Breuninger. Alternant le bon et le moins bon, l'épisode de la possession se montre toutefois plus convaincant à grand renfort de cuivres, sur une dynamique soutenue et acérée, scandée par des timbales tonitruantes (trop ?) et des cordes véhémentes avant que le dialogue lugubre entre le cor anglais, le violon solo et une flute déliquescente ne signe le désespoir et l'agonie tragique du héros.

Faisant quelque peu figure d'intruse dans ce programme, la rafraichissante et très brahmsienne Burlesque fait ensuite valoir tous ses charmes sous les doigts de dans une interprétation en tout point savoureuse, virtuose, ludique, émouvante par instant (belle cadence romantique). On admire la complicité patente entre orchestre et soliste autant que l'originale joute entre timbales et piano et plus encore le jeu varié du pianiste allemand convaincant de bout en bout. N'oubliant pas qu'un Strauss peut en cacher un autre… propose en bis, dans un amusant clin d'œil, Soirée de Vienne, paraphrase d'Alfred Grünfeld sur des thèmes de valses de Johann Strauss.

Sans doute plus à l'aise dans l'abstraction des aphorismes nietzschéens que dans la description des affres du héros tragique de Lenau, Andris Nelsons livre en deuxième partie de concert une remarquable interprétation d'Ainsi parlait Zarathoustra. Véritable exercice d'orchestre et de direction, il trouve dans la phalange saxonne un partenaire à sa mesure. Après l'ouverture grandiose et solennelle, qui voit s'ouvrir les portes du grand orgue, huit épisodes musicaux se succèdent comme autant d'occasions d'exploiter de façon optimale toutes les ressources individuelles et collectives de l'orchestre symphonique magistralement exploitées par le chef letton dans un flot musical continu, tendu, haut en couleur et parfaitement mis en place dont on retiendra quelques beaux moments comme la splendide cantilène des cordes annonçant les futures Métamorphoses, les pianissimi méditatifs des contrebasses, les contrechants de cors, les puissants crescendo s'appuyant sur des cuivres d'une impeccable justesse, les effets sonores de la petite harmonie ainsi que la savoureuse magie des timbres au sein d'une orchestration somptueuse servie par la variété du phrasé et la clarté de la texture enfin retrouvée …

Crédit photographique : © Marco Borggreve

 

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