- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Monsieur Bach, père de famille et compositeur

fait un pas de côté par rapport à ses précédentes créations chez Didier Jeunesse, avec ce nouveau livre-disque dans la série des « Monsieur ».

Les insomnies de Ravel, le piano de Gershwin… : les meilleurs albums de la collection ont une ligne directrice bien trouvée. Ici, l'idée est de présenter à travers les yeux d'Anna Magdalena, de sa première rencontre avec Johann Sebastian (invariablement appelé « Monsieur Bach ») jusqu'à la disparition de celui-ci. , que l'on connaît surtout dans ces colonnes pour son collectage de comptines et de chansons, a aussi joué au théâtre une adaptation de la Petite chronique d'Anna Magdalena Bach d'Esther Meynell. Et de fait on en retrouve ici des épisodes et des anecdotes ; au-delà, cette inspiration permet de parler de Monsieur Bach à la troisième personne mais en toute proximité. S'enchaînent des saynètes qui permettent aux jeunes lecteurs de rentrer sans naïveté mais avec tendresse et humour dans la vie de Bach, sa vie de père, de compositeur, de Cantor mais également dans ses souvenirs de jeune homme décidé et un peu frondeur. Et tout en brossant le portrait d'un père de famille en proie aux soucis et aux joies du quotidien, qui parlera sans doute aux jeunes d'aujourd'hui, on entre tout de même par petites touches dans la fabrique de la musique et dans sa dimension hautement spirituelle. Est même évoquée avec beaucoup de pudeur et de justesse la mort d'un des enfants du couple Bach, et la consolation que peut apporter la musique en pareille circonstance.

Pour aborder cette figure impressionnante mais attachante, on est bien aidé par les illustrations, exécutées dans un trait fin qui rappelle la bande dessinée, dont Johann G. Louis vient. Le dessin est plein de fantaisie, volontiers onirique, par exemple quand on voit Bach s'échapper de la prison de Weimar sur une feuille géante, comme un tapis volant qu'il est en train de remplir de musique.

Le livre peut se lire sans la musique qui l'accompagne, mais l'enregistrement est de qualité avec la voix chaleureuse et fluide d' qui fait vivre le texte. Pour ce qui est des choix musicaux, leur lien avec le texte n'est pas toujours bien pensé (comme le Ricercare a 3 de L'offrande musicale pour l'épisode du duel de clavecin avec Marchand, ou la Suite pour orchestre en ré majeur qui accompagne celui de l'accord non résolu par Carl Philipp Emanuel essayant d'endormir son père en jouant du clavecin). Mais il y a de belles trouvailles, par exemple la rencontre d'Anna Magdalena et Johann Sebastian sur le Magnificat, ou leur mariage au son de l'air « Erbarme dich » de la Passion selon saint Matthieu. La question des droits semble avoir tenu une place non négligeable dans le choix des versions. On ne saurait tenir rigueur de cette approche, qui permet de disposer d'un bel objet et d'une récitante de premier plan pour un prix raisonnable, mais il faut reconnaître que les Concertos Brandebourgeois par les Stuttgarter Solisten (1959) ou la Messe en si par le Münchener Bach Orchestra de Karl Richter ont singulièrement et mal vieilli. Mais ne boudons pas notre plaisir, il s'agit avec ce Monsieur Bach, une fois encore, d'une belle réussite artistique et éditoriale.

(Visited 517 times, 1 visits today)