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Mahler et Strauss pour contreténor

Dans un répertoire peu adapté à son instrument, ne parvient pas à convaincre. Aux limites de sa voix, notamment en termes de longueur, s'ajoutent de réelles faiblesses dans le pouvoir de coloration.

Pour certains, sera identifié comme un des jeunes sopranos garçons issus des , ou Petits chanteurs de l'abbaye Saint-Florian en Autriche. L'écoute des CD réalisés il y a plus d'une dizaine d'années par le jeune prodige, dont les débuts à l'Opéra de Vienne remontent à 2010, fait effectivement entendre une voix d'un volume conséquent, d'une rare justesse et d'une exquise musicalité, quoique assortie de quelques stridences souvent inhérentes à ce type d'instrument. C'est maintenant en tant que contreténor que le jeune chanteur, aujourd'hui âgé de vingt-sept ans, se présente devant son public. Aux chants sirupeux d'autrefois succède un programme constitué de deux des plus grands compositeurs de musique vocale des XIXᵉ et XXᵉ siècles. Peut-on parler de transition réussie ?

On s'étonnera tout d'abord des choix de répertoire, les mélodies de Mahler et de Strauss n'étant pas, c'est le moins qu'on puisse dire, associées à la typologie vocale dont relève le jeune contreténor. Mahler s'en sort un peu mieux, sans doute parce que les grandes mezzos du passé se sont toutes intéressées à sa production vocale. Les lignes de Strauss, en revanche, semblent davantage appeler la voix de soprano, même si certaines voix graves n'ont pas hésité à s'approprier bon nombre de ses Lieder. Le véritable problème, en fait, réside dans la pauvreté des moyens d', notamment pour ce qui concerne la faiblesse de son registre grave, parfois à la limite de l'audible, qui casse certaines de ses plus belles phrases (« Urlicht », par exemple). Les sonorités métalliques du haut médium, par ailleurs, nuisent elles aussi à l'homogénéité de l'instrument et à la stabilité de la ligne vocale. On risquera également d'être désemparé par le manque d'imagination poétique et de coloration textuelle. Certaines phrases, il est vrai, bénéficient néanmoins d'une belle musicalité. Concernant l'interprétation, on pourra trouver fort à redire sur le jeu de , répétiteur sans doute efficace mais très peu imaginatif dès lors qu'il s'agit de faire chanter le superbe accompagnement pianistique de Strauss et de Mahler.

Il ne s'agit certes pas d'un naufrage, car la voix de Mühlbacher présente aussi quelques intéressantes possibilités, et l'on ne doute pas de la capacité de cet instrument à s'approprier un jour quelques grandes parties du répertoire baroque. Cette publication arrive en tout cas à un moment inopportun dans la carrière du jeune chanteur, et l'on ne s'empêchera pas de trouver ce projet, qui consiste finalement à mesurer un tout jeune interprète à de nombreuses interprétations historiques mémorables, tout à fait prématuré.

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