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Les Symphonies n° 6 et 9 de Chostakovitch en terre galloise : une réussite signée Steve Lloyd-Gonzales

Couplage logique pour ces deux symphonies, les plus courtes du catalogue de Chostakovitch. Deux œuvres “provocatrices” aux yeux du régime soviétique, chargées d’amertume, de désespoir et de sarcasmes. Steven Lloyd-Gonzales et la formation du Pays-de-Galles nous en offrent une lecture inspirée et racée.

Créée le 5 novembre 1939 sous la baguette d’Evgueni Mravinsky, la Symphonie n° 6 remit en cause l’aura retrouvée et chèrement reconquise par le compositeur grâce à la Symphonie n° 5. Venus entendre une “Ode à Lénine” – imprudemment, le compositeur avait annoncé la création d’une partition grandiose avec chœurs – les officiels découvrirent une symphonie “sans tête”, rendant un hommage indirect aux harmonies de Sibelius et de Mahler. Le format miniaturisé et déséquilibré de la nouvelle partition fut sévèrement jugé.

Lloyd-Gonzales ne s’appesantit pas sur les couleurs crépusculaires du premier mouvement et n’accentue pas non plus les stridences de certains instruments tels que le piccolo. La fluidité de sa lecture compense une relative impersonnalité des cordes bien que ces mêmes pupitres n’économisent pas leur engagement dans l’allegro dont l’agressivité caustique est restituée avec autant de clarté que de tenue. Le finale est tout aussi “irréprochable” avec ses relents de chansons de cabaret russes mâtinées de fantaisie néoclassique.

L’esprit sarcastique n’est pas altéré dans la Symphonie n° 9 créée six ans plus tard. Ce ne fut pas l’“Ode à Lénine” que le pouvoir espérait et que le chiffre de la symphonie justifiait à lui seul. Point d’œuvre grandiose et de stature beethovénienne, au lendemain de la Grande Guerre Patriotique, mais en lieu et place, un pastiche rossinien !

Le matériau composite de la partition est assimilé par les musiciens anglais, rompus dans la musique britannique, aux détournements de marches militaires et à la simplicité apparente des hymnes. Le caractère épuré du moderato met en valeur flûtes, clarinettes, violoncelles et contrebasses. Le presto babille quant il promet des lendemains enchanteurs… Lloyd-Gonzales tient fermement la pulsation sans écraser le son dans le largo, hommage au Boris Godounov de Moussorgski. Le finale est aussi habilement réalisé, conçu comme le détournement d’un certain académisme russe, grâce à un tourbillon d’idées musicales facétieuses. Espérons entendre à nouveau ces interprètes dans d’autres répertoires.

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