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L’univers mystique de la musique pour orgue de Herman Vogt révélé par Anders Eidsten Dahl

S'il existe une musique très personnelle dans le monde de l'orgue contemporain, c'est bien celle du compositeur norvégien . Fruit de sa collaboration avec l'organiste , ses compositions sont le reflet d'un voyage intérieur et profondément spirituel.

Formé à l'Académie norvégienne de musique, étudie la composition et se perfectionne ensuite au Conservatoire royal de La Haye. Son univers musical repose sur une base classique mais nourrie d'une approche très particulière dans le traitement de la mélodie et de la tonalité. C'est un discours de contrastes entre le simple et le sophistiqué, depuis l'immobilité jusqu'à l'éruption d'une force intense que seul l'orgue semble apte à traduire.

Pour cet album « Light Shall Shine », l'organiste interprète trois œuvres d' sur l'orgue Carsten Lund de l'église de Bragernes. Cet instrument renferme des éléments sonores remontant à la deuxième moitié du XIXᵉ siècle, augmentés par la suite jusqu'en 2009. Ce travail musical est le fruit d'une collaboration de plus de dix ans entre l'organiste et le compositeur. Son approche reste résolument romantique portée par un instrument aux possibilités élargies, d'ordre symphonique pour la plupart.

Trois œuvres sont ici proposées dont Ré-sur-ré…exit composée en 2016. Ce titre mystérieux évoque le terme « Resurrexit » où le préfixe « ré » évoque la tonalité et le fait de recommencer, encore. Le thème de la pièce est la résurrection du Christ avec tout ce que l'auteur en imagine, depuis la sidération jusqu'à l'acceptation en passant par diverses phases évoquant le doute, la lutte, la joie… En en peu plus de 15 minutes, l'auteur nous entraine dans son univers fantastique sans aucune césure, l'orgue portant haut et fort un climat, une ambiance et une vision magnifiquement exprimée par l'organiste, attentif aux choix des couleurs de l'orgue. On remarquera la beauté des timbres de cet instrument tout à fait dans l'esthétique néo-symphonique allemande, basée sur les équilibres, les blocs de sonorités d'un clavier à l'autre. Tout ce qu'il convient pour un tel discours musical.

Avec The marvel of Turin (2012), le compositeur évoque dans cette œuvre le suaire de Turin, drap de lin qui aurait enveloppé le Christ au tombeau. Il s'agit d'une Fantaisie de forme libre où le portrait apparu sur le linceul et qui évoque la face de Jésus est évoqué musicalement à la manière d'un Ricercare où se cherche une vérité au travers des éléments concrets du drap. Musique de rencontre, interrogative et troublante. Certains tutti de l'orgue sont bouleversants et les nappes sonores qui en résultent enveloppent l'auditeur à l'extrême.

L'œuvre maitresse de ce disque, Light shall shine out of darkness (2020) composée en cinq parties distinctes s'inspire directement de la deuxième lettre de Saint-Paul aux Corinthiens qui évoque par ce texte le Christ comme lumière du monde. Chaque partie offre un climat particulier : Un premier volet extatique dans des sons continus et glissants sur des flûtes, un deuxième volet évoquant la lumière du monde par des accords incandescents aux dynamiques contrastées. la troisième partie bâtie sur une grande mélodie charmeuse parle de Jésus prenant des enfants dans ses bras, grand moment de calme et de paix. A nouveau la lumière du monde est présente dans ce quatrième volet écrit comme une marche avec ses rythmes et ses projections diverses. La fin de l'œuvre parle de paix, présentée ici comme une prière sur les jeux de fond de l'orgue, dans une pâte très orchestrale. Une version pour grand orchestre symphonique existe, de même que pour la pièce The marvel of Turin.

Cette production réunit la beauté d'un orgue splendide, une œuvre musicale générant un impact émotionnel sensible et un interprète idéal ayant su par une fréquentation assidue avec le compositeur exprimer la quintessence de ce message musical, parmi les plus passionnants de notre temps.

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