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Frank Peter Zimmermann impérial en concerto, mais desservi par des accompagnement inégaux

Réunir trois des plus grands concertos du répertoire, avec le rare premier de Bartók comme bonus est une belle idée ; le grand violoniste , compagnon de longue date des Berlinois, y brille avec maestria. Dommage que le recours à trois chefs différents fasse passer l'accompagnement orchestral du médiocre au génial en passant par le quelconque.

Ce double album est avant tout un hommage au grand violoniste allemand , né en 1965. On connait la perfection technique de son jeu, sa virtuosité sans faille, et surtout la richesse de son inspiration qui en fait l‘un des plus grands solistes d'aujourd'hui, sans l'esbroufe dans laquelle se complaisent certains de ses collègues moins profondément musiciens. C'est donc un bonheur de le retrouver ici dans trois des plus grands concertos du répertoire, accompagnés du plus rare Concerto n° 1 de Bartók. Mais puisque l'ensemble paraît sous l'étiquette de la collection de l', c'est évidemment aussi vers l'accompagnement orchestral que se porte notre attention.

Sans surprise, l'orchestre est impressionnant de cohésion et de puissance sonore d'un bout à l'autre du coffret. Mais force est de reconnaître que le recours à trois chefs différents débouche sur un résultat assez inégal. Pour Beethoven, Daniel Harding dirige avec une grande attention à son soliste (qui choisit la cadence de Kreisler) mais aussi avec une réserve qui nous laisse sur notre faim. L'ample introduction orchestrale frôle l'indifférence malgré la splendeur de l'orchestre et à aucun moment le chef anglais ne parvient à fournir plus qu'un luxueux écrin au soliste. Pour Bartók, a choisi de jouer avec Alan Gilbert, qui fut de façon assez surprenante le chef du Philharmonique de New York de 2009 à 2018. Même si le soliste a dans les entretiens qui accompagnent le Blu-ray des propos très flatteurs pour ce chef, l'auditeur ne peut que rester très réservé devant cette lecture assez frustre, bruyante et qui tire l'orchestre de Bartók vers une médiocre phalange hollywoodienne. Du post-romantisme de Furtwängler aux lectures acérées de Boulez ou Salonen, les démonstrations de la richesse symphonique de cette grande page ne manquent pas qui surclassent cet accompagnement débraillé… Et ce n'est pas la rareté de premier concerto, tardivement révélé, gravé sans public à la différence des autres pages de cet album, qui suffira à nous consoler de cette déception.

Reste la pépite de cet album. Capté en mars 2020 devant un public clairsemé et un orchestre « distancié » sur l'estrade, le Concerto pour violon « à la mémoire d'un ange » de Berg bénéficie de l'accompagnement au scalpel de Kirill Petrenko ; le chef actuel des Berlinois, très contestable dans le romantisme, n'est jamais aussi convaincant que dans ce répertoire de l'entre-deux guerres qu'il affectionne particulièrement. L'équilibre impeccable des plans sonores dans cette œuvre redoutable entre toutes s'avère quasiment idéal et le geste péremptoire de Petrenko laisse néanmoins le lyrisme bouleversant de Zimmermann s'épanouir avec une émotion palpable. A lui seul ce concerto justifie l'achat de cet album, Beethoven et Bartók offrant des bonus inégaux orchestralement mais luxueux.

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