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À Genève, Tomáš Netopil colore Chostakovitch et Ravel

Comme chaque année à pareille date, la Confédération Suisse, la Ville et le Canton de Genève offrent un concert de l' aux délégués de l'Organisation des Nations Unies pour célébrer la journée anniversaire de cette institution.

Du climat particulier que revêt la situation internationale actuelle, peu de temps forts dans les quelques discours précédant le concert. Peut-être, cependant, les paroles de Madame Charlotte de Sénarclens, la Présidente de la Fondation de l' qui souligne « la chance qu'il y avait de vivre en Suisse. Du moins pour le moment ! »

Débordant des limites de la scène, l' au grand complet entame sa prestation avec Salut d'Amour d'Edward Elgar, une mélodie dont la joliesse n'a d'égale qu'un lyrisme exacerbé qui permet à chacun de se couler dans un moment de calme serein apprécié. Puis s'inscrit une œuvre beaucoup plus imposante avec le Concerto pour violon et orchestre n° 1 de . D'emblée l'attention s'impose dans ce premier mouvement sous la direction du chef . Avec une favorisant la qualité du son à la puissance sonore, pas question de forcer le trait. Ainsi, l'Orchestre de la Suisse Romande joue parfaitement le jeu, suivant au moindre geste les désirs du chef. Avec discrétion et musicalité, il se mue en parfait accompagnateur derrière le toujours très beau violon de . Dans le second mouvement, plus animé, continue de contenir son orchestre pour favoriser l'expression solistique. À de courts instants pourtant, l'esprit « Chosta » reprend le dessus et l'on entend un Orchestre de la Suisse Romande léger et vivace, balançant les rythmes avec toujours cette belle retenue sonore. À force de tension musicale, quelques très légers flottements des bois et des cuivres se font entendre, vite réprimés par la baguette attentive de . Et continue son chemin musical abordant la Passacaille et le Burlesque avec détermination mais sans aucune agressivité. Inspirée, elle devient captivante et cette ultime partie du concerto révèle l'artiste. Étrangement, les applaudissements qu'on pouvait attendre de cette magnifique interprétation manquent d'enthousiasme. La soliste revient saluer le public puis s'éclipse définitivement laissant ses admirateurs sans bis.

Sans transition, Tomáš Netopil entame avec autorité l'imposante partition des Tableaux d'une exposition de Moussorgki que Maurice Ravel a si superbement orchestrée. Œuvre magistrale s'il en est, et l'interprétation qu'en donne le chef est renversante. Dès les premières mesures, on comprend qu'il va user de l'excellente forme de l'Orchestre de la Suisse Romande pour modeler cette partition à ses envies musicales. Et quelle réussite ! À peine les cuivres ont-ils exposé l'introduction, qu'à grands gestes, Tomáš Netopil emmène les cordes dans la magnificence sonore. En quelques mesures, le chef nous emporte dans un univers nimbé de couleurs chaudes. À aucun moment il ne lâche l'attention. Que ce soit du regard, de la baguette, de tout son corps, Tomáš Netopil tient l'orchestre aux ordres de la musique. Avec Netopil tout est nuances et couleurs. Dosant parfaitement les pupitres, à aucun moment sa musique ne sature l'air ambiant. Et pourtant, toutes les notes sont jouées avec intensité et force. Parfois on se demande s'il reste encore de la puissance dans l'orchestre pour que sa musique soit encore plus imposante, plus forte. Il faudra attendre le final de La Grande Porte de Kiev pour réaliser que l'Orchestre de la Suisse Romande, décidément très en forme ce soir-là, a encore de la ressource. Et comment au passage ne pas souligner ces magnifiques moments que nous ont fait vivre les différents solistes de la formation ? À l'exemple de la transparence éthérée du saxophone alto d'Alexandre Doisy pendant Le Vieux Château, l'inspiré solo du tuba de Ross Knight dans Bydlo, et la sonorité et la technique instrumentale incroyables de la trompette de Giuliano Sommerhalder dans Samuel Glodenberg et Shmuyle et dans Le marché de Limoges. Comme ils savent bien raconter leur musique ! Dès les ultimes accords de cette formidable prestation, le public exulte et applaudit à tout rompre un Tomáš Netopil qui semble avoir repeint l'Orchestre de la Suisse Romande de couleurs qu'on ne lui avait pas encore vues.

Crédit photographique : Nadia Sikorsky © NashaGazeta

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