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Aux confins de l’espace-temps avec Hèctor Parra

« Quand toute borne s'évanouit dans les deux sens, il n'est plus de remède au vertige » écrit l'astrophysicien et poète Jean-Pierre Luminet, grand spécialiste des trous noirs, dont le texte, L'astre qui fut lumière, accompagne le compositeur dans le voyage cosmique de …limite les rêves au-delà (2017) ; une œuvre gravée par le label Passacaille.

Beau en soi, le titre de l'œuvre n'en est pas moins l'anagramme de « la vitesse de la lumière ». Commande du violoncelliste belge , la pièce devait être le modèle réduit, pour violoncelle et électronique, d'Inscape (2017-2018) écrit pour seize solistes, orchestre et électronique en temps réel qui suscite déjà la collaboration de l'astrophysicien. Au final, … limite les rêves au-delà est devenue la pièce instrumentale la plus longue – plus de soixante-dix minutes – jamais écrite par le compositeur, une aventure vertigineuse à travers laquelle , fils de physicien et passionné lui-même par la « mécanique céleste », traduit en musique le mystère des trous noirs. Signé par le compositeur et le violoncelliste, un « récit cosmologique », véritable storytelling en deux parties et six sections reproduit dans le livret du CD, guide l'auditeur, décrivant les étapes du voyage, de « la vie sur terre » au « Retour à la terre en holographie ». Sont mentionnés avec la plus grande précision scientifique – Jean-Pierre Luminet faisant foi – le processus intergalactique des trous noirs (implosion, collision, effondrement, accélération, explosion, fusion, digression, oscillation, interférence, etc.) et la sortie par le trou de ver en direction d'autres univers atypiques et impossibles : autant de stimuli pour le compositeur qui part à la recherche de corrélation entre phénomènes énergétiques de la matière et figures sonores générées par un violoncelle amplifié et traité en direct par les logiciels de transformation et le savoir faire du réalisateur en informatique musicale . Dans les pages du livret, toujours, des extraits de partitions graphiques très colorées rendent compte des étapes d'élaboration de la composition dont on peut prolonger la découverte grâce à un QR code donnant accès à d'autres images combinées avec celles du télescope Hubble de la NASA/ESA.

Le violoncelle de est désaccordé (scordatura) et soumis à des techniques de jeu très sophistiquées (granulations, rebonds, tourbillons, glissades, techniques vibratoires, percussions avec l'archet, etc.) rejoignant l'univers de la saturation : excès du geste et de l'énergie, intensité prodigieuse des couleurs et foisonnement rythmique qui confinent à l'inouï. Son solo en « voix de colorature » (section 4) est une pure merveille, plage de virtuosité exploratoire d'une richesse gestuelle insoupçonnée. « Un long voyage à travers la singularité annulaire conduit au grand apogée (fin de la section 4) de la spaghettification, de l'entropie et de la contraction maximale de toute la masse et de toute l'énergie », lit-on dans la partie II du récit (Effondrement de l'abîme). Monstrueuse, la danse /transe du violoncelliste, qui donne également de la voix, est décuplée par les effets de l'électronique qui en magnifie le développement. La dernière section porte l'écriture à des sommets d'expression et projette, via la sophistication des techniques numériques, l'image en 3D du « retour à la terre en holographie » : bluffant et totalement immersif.

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