Au studio 104 de Radio France, le Trio Arcadis se consacre à un exaltant projet de concert dessiné sur le thème des oiseaux.
La création de Claire-Mélanie Sinnhuber, une pièce d'une dizaine de minutes, pourrait par son titre faire penser à Messiaen ; Renouée des oiseaux nous plonge pourtant plutôt dans un salon de la Belle Époque. Dans une courte introduction dialoguée au micro, la compositrice ne cache d'ailleurs pas son admiration pour Ravel, dont le Trio constitue la pièce maîtresse du concert. De courts motifs sont développés sur un mode répétitif, d'abord délicats, puis plus énergiques, mais avec toujours une recherche manifeste sur le son, sans jamais chercher l'excès. Plus qu'une évocation des oiseaux ou de la nature, on sent surtout chez Claire-Mélanie Sinnhuber, par-delà un langage personnel, une grande révérence pour Ravel dont l'ombre ne semble jamais loin. Et comme chez son glorieux prédécesseur, on ne s'éloigne jamais trop de la tonalité, si bien que le jeune public reste captivé. Il le reste cependant surtout grâce aux dessins en direct de Grégoire Pont.
Celui qui s'est fait une spécialité de ce mode original de dialogue entre les arts, fait apparaître, sur la toile tendue derrière les musiciens, des arabesques de plantes et d'oiseaux, parfois d'une page blanche, d'autres fois depuis une trame déjà préparée. Les animations qu'il déclenche à certains moments, évoquant la fameuse introduction de Fantasia de Disney, soulignent parfois assez lourdement la musique (les balancements en liaison de Pantoum du Trio de Ravel sont accompagnés de lignes qui font des vagues, le motif cyclique de la fin du Final donne lieu à un tourbillon…). La plupart des images se développent cependant en un contrepoint subtil, et l'histoire racontée en bande dessinée d'un garçon recueillant un oiseau blessé sur la Passacaille, est une franche réussite, pleine de gravité, de vitalité et d'humour.
Essentielle et sublime page de musique de chambre, le Trio de Ravel est très bien servi par les membres du Trio Arcadis, qui en cisèlent les traits et en font ressortir toute la poésie. La bonne demi-heure que dure cette œuvre peut d'ordinaire sembler longue aux enfants. Avec un tel dispositif intensément poétique, ce concert dessiné paraît presque trop court.