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Les compositrices ont le vent en poupe avec Le Concert impromptu

La chose est symbolique mais c'est le 8 mars, journée internationale des droits des femmes qu'a choisi , quintette à vent très actif, pour son concert Elles3 autour des compositrices. Dans l'Auditorium Antonin Artaud d'Ivry-sur-Seine, et sont dans les rangs du public au côté de qui est mise à l'honneur en cette année anniversaire 2023.

a passé commande aux deux trentenaires et dont il joue ce soir les œuvres en création mondiale. Après un mot de bienvenue adressé au public, la hautboïste et directrice artistique Violaine Dufès nous présente chaque œuvre au programme de la soirée. Potager de (un titre qui sent la terre !), est à rattacher au spectacle dansé La morsure de la limace, une création « potagère, musicale et gestuelle » récente (2020-21) initiée par , dont Manon Lepauvre a conçu la partie instrumentale et électronique. On perçoit d'emblée, dans cette nouvelle partition écrite pour le quintette à vent, le caractère narratif du flux sonore : relais d'instruments mettant en valeur le timbre de chacun, associations de couleurs formant des trames vibrantes, dans le registre grave d'abord (cor anglais, flûte en sol, clarinette basse) puis dans des teintes plus claires. Chacun semble faire son numéro, le cor en particulier (Emilien Drouin), doté d'un solo fantasque et doublé par le basson, très en verve lui-aussi (Camille Donnat Bart) ; les sons s'affolent dans un contexte de plus en plus bigarré, jovial, voire humoristique, une agitation fiévreuse qui se termine en panique !

D'une conception toute différente, Ciudad telaraña (Ville toile d'araignée) de la compositrice colombienne s'inspire du roman d'Italo Calvino, Villes invisibles qui stimule son imagination. Elle prend le parti de l'homorythmie (jeu simultané) des instruments soumis à un parcours rythmique très pulsé. De ce bloc sonore se détache la flûte (Yves Charpentier), soliste de cet « anti-concerto », qui n'émet que du souffle ou des bruits de clé. C'est une sorte de personnage fantôme qui traverse le paysage sonore et confère à cette pièce courte une perspective très originale.

Quatre pièces de sont au programme de la soirée, en solo, duo et quintette. Seul avec sa clarinette basse, Jean-Christophe Murer joue It didn't crash! (Ça n'a pas craqué) de 1991, pièce d'envergure adressée à un instrument plein de ressources timbrales. Il est exploré dans toute sa tessiture et les nuances de sa sonorité. La musique procède par phrases successives qui s'enchaînent, invoquant la notion de personnage qui affleure toujours dans la musique de : grave ou badin, volubile ou introspectif, élégant ou plus virulent (slaps intempestifs). Jean-Christophe Murer détaille toutes les facettes de cet objet sonore avec une aisance et un rendu sonore épatant. Prolixe dans tous les genres musicaux, du solo à l'opéra (sept ouvrages lyriques s'inscrivent à son catalogue !), Michèle Reverdy a beaucoup composé pour les formations chambristes : ainsi cette série des Espressi, miniatures de quelques minutes seulement dont on entend ce soir le numéro 3 pour hautbois et cor (2014). Deux lignes indépendantes et deux timbres qui se confrontent (première partie) entrent en dialogue et finissent, semble-t-il, par s'apprivoiser. Le second duo, Miroirs, pour flûte et hautbois, est dédié au Vénissien Luigi Nono. Course poursuite de deux instruments de même tessiture (première partie) mettant à l'œuvre la technique du canon et autre jeu d'imitation. La seconde partie est plus espiègle et mystérieuse. Ludique et légère, la pièce est menée de main de maître par Violaine Dufès et Yves Charpentier.

Le Quintette à vent de Michèle Reverdy (1983) est la pièce la plus ancienne de cette soirée, qui débute par le souffle et le solo de la flûte. C'est une musique délicate, invitant à une écoute aiguë, qui balance entre la sensualité de trames harmoniques transparentes et la présence plus incarnée de blocs accords. On a l'impression que la compositrice distribue ses timbres sur la toile sonore comme le peintre ses couleurs. L'écriture s'anime jusqu'à l'apparition du cor, décidément très sollicité ce soir (Emilien Drouin en vedette) qui fait valoir sa palette de sonorités. Passe l'ombre du maître Messiaen… avant une fin plutôt répétitive où les instruments fonctionnent en boucle.

Les cinq musiciens jouent debout, concentrés et à l'écoute, servant avec passion la musique d'aujourd'hui qu'ils défendent bec et ongles. Le concert est enregistré, qui donnera lieu en 2024 à un CD monographique de Michèle Reverdy consacré à l'intégrale de sa musique pour instruments à vent.

Crédit photographique : © Le Concert impromptu

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