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Esa-Pekka Salonen et le San Francisco Symphony : entre ancien et nouveau monde

De passage à Paris dans le cadre d'une tournée européenne, le dirigé par son nouveau directeur musical , dresse un pont entre ancien et nouveau monde en appariant dans un programme riche en découvertes, Radical Light de , la Symphonie n° 5 de et le Concerto pour violon de interprété par le jeune violoniste qui fait pour l'occasion ses débuts à la Philharmonie de Paris.

Radical light de , composé en 2007 et créé la même année par à la tête du Los Angeles Philharmonic ouvre la première partie sur ses sonorités éthérées nées du silence et des profondeurs. D'un statisme chargé d'attente, cette pièce qui « nous mène aux sources non structurées de notre être » évolue par vagues successives, traversée à plusieurs reprises par des climax plus animés laissant une large place aux cuivres. On y admire l'élégance, la justesse et la précision de la direction autant que les sonorités orchestrales multiples et bien déliées (altos, harpe) avant que la coda recrutant tous les pupitres ne nous emporte dans un ample crescendo presque douloureux.

Âgé de 22 ans le jeune violoniste fait ce soir ses débuts à la Philharmonie de Paris avec le Concerto pour violon de (1940). Intimidé (on le serait à moins !), virtuose assurément, mais manquant quelque peu de la maturité nécessaire à soutenir les grands épanchements lyriques de l'Allegro initial, il nous donne de ce premier mouvement une lecture un peu scolaire, raide et contenue, ne générant que peu d'émotion. Soutenu par le public (avec des applaudissements répétés entre les mouvements) et retrouvant progressivement plus de sérénité, l'Andante, magnifiquement introduit par un long solo de hautbois parait moins retenu, le jeune soliste y déployant toutes les couleurs de son jeu en parfaite symbiose avec l'orchestre avant que le Finale ne déroule sa virtuosité virevoltante réunissant soliste et orchestre dans une même cavalcade brillante et forcenée. En bis parachève son succès avec le Finale de la Sonate n° 4 pour violon seul en mi mineur op. 27 d'Eugène Ysaÿe.

Toute la seconde partie est dévolue à la Symphonie n° 5 (1919) de Sibelius, qui a, par les temps qui courent, les honneurs de la Philharmonie de Paris, puisque donnée ici même par Sir Antonio Pappano et l'Orchestre de l'Académie Sainte Cécile de Rome en février dernier. Une proximité autorisant bien des comparaisons… Car là ou Antonio Pappano nous livrait une vision frémissante, portée par un souffle épique, Salonen nous offre une lecture certes apollinienne, d'une grande beauté formelle, mais indiscutablement plus distanciée, plus froide et sans émotion. Ici, point de rêve, point d'imagination, point d'urgence, mais une interprétation qu'on admire poliment pour la profusion des détails, pour la beauté de la plastique orchestrale, mais qui déçoit par la sophistication abusive du phrasé, presque maniéré par sa lenteur et ses nuances rythmiques et dynamiques abusives qui pénalisent la tension et la continuité du discours. Dommage !

Deux bis renouent avec l'esprit sibélien pour conclure ce concert : la Valse triste et la Marche tirée de la Suite Karelia op. 11.

Crédit photographique : © Ondine Bertrand

 

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