- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Le piano de Jean-Philippe Collard à son apogée dans Scriabine et Rimsky-Korsakov

Deux concertos pour piano russes peu fréquentés sont remis à l'honneur par la lecture fervente de  : celui d'Alexander Scriabine et celui de .

Dans cette entreprise, le maître champenois âgé de 75 ans, au meilleur de son art, se trouve particulièrement bien soutenu par l', phalange turque fondée en 1993, dirigée par , musicien bulgare, également compositeur et contrebassiste, qui en fut le chef permanent de 2002 à 2008. Sa direction pétulante et virtuose gomme toute lourdeur et hisse son orchestre à un niveau très substantiel.

Œuvre de jeunesse de Scriabine, il n'a pas encore 25 ans, le Concerto op. 20 date de 1896, sa première partition orchestrale, reçut un bon accueil et participa à sa reconnaissance. Pour autant, il se trouve nettement redevable de l'esthétique de Chopin et de celle de son professeur et ami Rachmaninov. Cette parenté est parfaitement soulignée par Collard dans les Allegros et plus encore dans l'Andante central.

Une douzaine d'années auparavant, en février 1884, Rimski-Korsakov (52 ans) avait présenté son court Concerto op. 30 à Saint-Pétersbourg, défendu par le pianiste Nikolaï Lavrov et le chef Mili Balakirev, inspirateur du fameux groupe des Cinq. Et, force est de reconnaître que cet opus ne manque pas de panache et mérite bien davantage que l'indifférence dont il pâtit généralement. Lui aussi porte les marques perceptibles de l'art de Liszt et de Chopin, notamment dans la section Andante mosso. Le thème principal provient d'une chanson populaire rapportée par Balakirev ; il intéresse également les deux parties extrêmes plus rapides.

Dans Scriabine, l'interprétation de Collard se hisse aisément au niveau de celle de Kirill Gerstein avec le Philharmonique d'Oslo dirigé par Vasily Petrenko (Lawo, 2016). Elle rivalise sérieusement avec les deux versions de Vladimir Ashkenazy avec l'Orchestre symphonique allemand-Berlin conduit par Gerd Müller-Lorenz (Decca, 1995) ou encore avec le London Symphony Orchestra dirigé par Lorin Maazel pour le même label.

Son engagement dans le Rimski-Korsakov révèle les qualités intrinsèques du grand maître et ce en dépit d'une postérité presque inexistante. La discographie très ténue ne fait évidemment pas oublier la lecture ancienne, charpentée, de Sviatoslav Richer chez Mélodya. L'interprétation de , fluide mais aussi robuste, sa musicalité dynamique et canalisée, ses attaques puissantes réussies tout comme les subtiles sections plus lyriques constitue une remarquable contribution et repositionne à juste titre cette partition séduisante et consistante.

Le pianiste propose en complément des pièces pour piano seul de Scriabine, confirmant une forte affinité avec l'œuvre passionnée et passionnante de ce compositeur. Il se met à la disposition de cette musique sans en forcer la modernité, car le temps n'était pas encore venu pour Scriabine de bousculer la tonalité et l'harmonie. Collard défend la virtuosité du jeune maître dans ses premiers opus mais suit également son évolution stylistique et les nouveautés harmoniques en cours de développement dans la Sonate n° 4, son opus 30, de 1903.

reconnaît s'être délicieusement abandonné en faveur de ces musiques qui le méritent amplement.

(Visited 747 times, 1 visits today)