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Salomé Gasselin revisite le répertoire de la viole de gambe avec quelques amis

Pour son premier disque, la jeune gambiste nous invite à prendre quelques chemins de traverse afin d'entrevoir quelque éclairage nouveau sur des pages écrites pour d'autres instruments, nous offrant ainsi des instants de grande émotion.

Depuis la redécouverte du répertoire baroque pour la viole de gambe, l'auditeur a pris tout le temps nécessaire pour se familiariser avec les œuvres des compositeurs qui ont su porter l'art de cet instrument à son apogée. Pour autant, la technique de la transcription a toujours occupé une place de choix à une époque où passer d'un instrument à un autre ne posait aucun problème en soi, si ce n'était une simple adaptation de tessiture ou de tonalité. En lisant les conseils des compositeurs dans différentes préfaces en particulier des livres d'orgue, on se rend compte que la viole est citée comme étant le meilleur instrument pour traduire les différents affects de la musique. Aussi certaines œuvres pour orgue comme chez François Roberday sont écrites sur quatre portées afin de permettre à un ensemble d'instruments, de violes en particulier, de traduire avec aisance le discours initial. L'idée de concrétiser cette démarche est venu à à l'écoute de l'orgue classique français de Saint-Maximin, célèbre s'il en est et vecteur de sensations fortes.

Ainsi se construit un programme en quatre parties commençant par un Récit, titre très utilisé par les organistes dans diverses tessitures, depuis le soprano jusqu'à la basse. Les plus attachants sont assurément ceux déclamés dans le registre de la taille correspondant au ténor. Le son même de la viole de gambe est en harmonie et développe par sa souplesse et sa liberté tout ce que le jeu de l'orgue devrait être capable d'exprimer. La viole apporte à l'organiste la clef d'une belle exécution, tels que le préconisaient les vieux maitres, à l'imitation de la voix. De même, les fameuses Basses de trompette avec leurs batteries d'arpèges sont plus proches du jeu de l'archet que de celui du cuivre. L'organiste Odile Bailleux avait déjà montré ces rapprochements avec le jeu de la viole dans l'œuvre d'orgue de Nicolas de Grigny lors de son enregistrement, dès les années 1980. confirme ces rapprochements par un jeu particulièrement bouleversant dans ces pièces de Récits.

Au-delà des œuvres solistes, la viole s'entoure d'autres archets afin de constituer un « consort », mot anglais désignant un petit ensemble d'instruments de même nature. Cette disposition ne semble pas exister en France, si ce n'est que certains auteurs la suggèrent, tel dans une Allemande pour le clavier « et pour trois violes si l'on veut ». Ce parcours initiatique est très enrichissant pour l'auditeur qui entrouvre les portes d'un univers nouveau grâce à trois amis violistes qui se joignent à la soliste, , et Corinna Metz. D'autres pièces dans leur présentation originales forment un lien judicieux avec les transcriptions, dont plusieurs mouvements de . Les gambes sont magnifiquement portées par les claviers experts de Julien Taylor au clavecin et d' à l'orgue. Ce dernier utilise tour à tour un positif et l'instrument ancien de Saint-Ursanne en Suisse. En soliste, il nous propose quelques mélanges caractéristiques de l'orgue classique français.

La viole de gambe est un instrument qui engendre l'émotion et on ne peut qu'être touché par autant de grâce et d'inspiration de la part des interprètes présents. Une osmose naturelle s'installe et opère tout au long du disque. De jeunes musiciens de très grand talent et au style affirmé nous comblent ici dans un enregistrement somptueux, le tout premier de Salomé Gasselin.

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