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François Chaignaud et Akaji Maro à Chaillot pour GOLD SHOWER

Vivre d'or et d'eau fraîche… Dans GOLD SHOWER au Théâtre national de Chaillot, et errent comme des spectres sur un plateau où poésie et burlesque s'incarnent dans ce « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » cher à Rimbaud, l'étincelant et le doré en plus.

L'un, , étonne toujours par sa danse aérienne et sa voix chaude, incarnant tantôt le Narcisse d'Isadora Duncan, chorégraphiant une danse théâtrale pour Dançando com a Diferença ou interprétant des romances folkloriques dans Romances Inciertos. L'autre, , né en 1943, habite la scène d'une présence lumineuse et profonde, puisant dans le butō une stature mystique habitée d'esprits farceurs et graves. Il occupe tout autant les planches de la Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP) que les films de Tarantino et dessine ici un duo sensuel, drôle et puissant.

La scène représente un promontoire dans lequel est creusé un bain doré, lieu de délassement et d'urine divine. Car oui, ces deux-là jouent bien aux dieux païens, juchés sur le mont Olympe, convoquant tour à tour Éros ou Agape quand ils ne dansent pas comme des fantômes sur les bords d'une scène éclairée d'une poursuite ou baignée d'une coloration orangée, lumière privilégiée de Chaignaud.

Les mouvements sont expressionnistes et amples. Les danseurs se cherchent l'un l'autre, dans la manipulation d'un masque ou en se mirant dans l'eau claire. Les tableaux que forment ce décor et ces corps habillés de maquillage ou de costumes queer en plastique relèvent d'une esthétique surréaliste où Dali aurait rencontré Kōbō Abe dans l'expression d'un absurde chatoyant et parfois tourmenté. Les deux danseurs, entre jeux pieux et allusions sexuelles, se lancent dans le mime d'un cavalier domptant son attelage, image du char ailé platonicien où Chaignaud et Maro joueraient une âme possédée et explosive.

L'esthétique baroque chère à Chaignaud se retrouve dans les costumes, les lumières et la musique : le clavecin rapide rappelle une musique sérielle alors que les corps tremblent ou se montent dessus. Le trop et le trop peu rencontrent le sacré et le profane au sein d'un même élan d'inspiration shakespearienne et médiévale. Cette rencontre entre une beauté syncrétique nervalienne et un Japon underground tellurique hante au final le public, habité de l'image d'un homme crépusculaire, joyeux et charnel.

Crédits photographiques : © Hiroyuki Kawashima
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