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Ligeti fêté par l’ensemble 2e2m et les élèves du CRR de Paris

Au côté de dont on fête le centenaire de la naissance, deux compositrices sont au programme de ce concert 2e2m où , chef et directeur artistique de l'ensemble, invite les jeunes interprètes à rejoindre leurs ainés.

Profitant du partenariat liant de longue date l' et le Conservatoire Régional de la rue de Madrid, a mis dans les rangs des professionnels six jeunes musiciens encore en cursus au CRR. Deux élèves de la classe d'Histoire de la Musique d'Hélène Cao ont suivi les répétitions et interviennent durant les changements de plateau pour échanger avec compositrices et chef d'orchestre : une politique de transmission et de médiation bienvenue de la part d'un jeune directeur aussi rayonnant que charismatique.

Dorothée Nodé-Langlois et la jeune Elsa Peteul sont face à face dans Baladǎ și joc pour deux violons de Ligeti, deux chansons populaires roumaines rafraîchissantes écrites au tout début de la carrière du compositeur. Les lignes s'enlacent avec beaucoup de grâce dans la première. La seconde est gorgée d'énergie, rustique et d'une belle assise rythmique sous les archets des violonistes.

De à György Kurtag, son concitoyen et ami hongrois, il n'y a qu'un pas même si le premier a fui la Hongrie, suite à la révolution de 1956, alors que Kurtág est resté vivre dans son pays où ses œuvres seront presque toutes exécutées en public jusque dans les années 1980. Le compositeur cultive l'art du message mais on ne sait à qui sont adressés ces Brefs messages aux titres énigmatiques. Ils convoquent trois trios instrumentaux spatialisés (cuivres, bois et cordes), que Kurtag fait jouer séparément d'abord (cuivres puis bois) et ensemble pour les deux derniers numéros : la musique est bien sonnante dans l'acoustique de l'Auditorium, procédant par courtes incises (gestes) qui diversifient les dynamiques et les configurations sonores, avec cette part d'étrangeté et d'abstraction que véhicule toujours la musique du hongrois.

Overdrive, dont le titre fleure bon la subversion, est une pièce récente de Claudia Jane Scroccaro, créée à Royaumont en 2020, lors du festival Voix nouvelles. Elle convoque la clarinette basse (dont le pavillon est recouvert d'une feuille de papier aluminium), la contrebasse à cordes et le piano. Overdrive est une musique survoltée, tout en aspérités, charriant des clusters musclés sur le piano (Véronique Briel) et traquant la rugosité du son, le grain sombre et la saturation du rock fusion. La pièce au rythme complexe (elle est dirigée par ), fonctionne sur le principe duel de tension-détente, laissant par moments émerger un univers de sons harmoniques aussi fragiles qu'éphémères obtenus sur la clarinette basse (Benoît Savin) et la contrebasse (Louis Siracusa). Comme dans sa pièce de Cursus, I sing the body electric, demande au contrebassiste de détendre progressivement sa corde grave pour chercher sous son archet des harmoniques qui « chantonnent » timidement : théâtral autant qu'acrobatique !

L' a passé commande à la compositrice coréenne . L'idée était d'introduire le KammerKonzert de Ligeti par une pièce d'une dizaine de minutes reprenant le même effectif instrumental, notamment les quatre claviers (piano, célesta, orgue Hammond et clavecin) présents chez Ligeti. Joué avec beaucoup de sensibilité, Alba est un paysage imaginaire aux sonorités vibratiles qui entretient la transparence des textures et les allers-retours d'un registre à l'autre. L'écriture regarde vers la facture ligétienne et sa micro-polyphonie qui texture la partie médiane de la pièce. La dernière partie ramène la consonance, évoquant sous l'archet du violon les sonorités irradiantes d'un orgue à bouche.

Chef d'œuvre du XXᵉ siècle, le KammerKonzert (Concerto de chambre) de Ligeti (1969-1970) est joué dans l'élan, conviant les musiciens.ennes de 2e2m et les élèves du CRR, Vivian Yiming Sun (violon), Joséphine Violette (contrebasse), Thaïs Audic (cor) et Adèle Gornet (clavecin et orgue Hammond). La direction précise et souple de Léo Margue fait merveille dans un premier mouvement, Corrente, liant très finement les timbres instrumentaux soumis à l'écriture du canon. Le « nuage » sonore qui passe dans le Calmo sostenuto fait valoir ses nuances colorées et accuse des perturbations et autres métamorphoses du matériau. On savoure le troisième mouvement (movimento preciso et meccanico) ludique et tapageur, avec sa pluie de staccatos engendrant le désordre que Ligeti appelle de ses vœux. La ponctuation finale insolente du célesta déclenche les rires du public ! Le Presto final n'est pas moins séduisant : relais de timbre acrobatiques, écarts de registres vertigineux et solos impertinents (le cor de Thaïs Audic en vedette!). L'invention est à l'œuvre et les couleurs d'une belle intensité dans l'interprétation remarquable des musiciens, galvanisés par une direction au plus près de l'écriture du maître hongrois.

Crédit photographique : Portrait Ligeti © 2E2m/Fevis

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