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Une soirée au Teatro Sant’Angelo avec Le Consort et Adèle Charvet

Dans un programme fait de quelques tubes vivaldiens et de nombreuses raretés – dix airs donnés en première mondiale –, et l'ensemble nous font revivre quelques soirées d'un des plus emblématiques théâtres vénitiens. Espérons que cet album sera le hors-d'œuvre de grandes aventures à venir.

L'intérêt de ce beau CD est double. Sur le plan musicologique, il nous emmène vers la lagune afin de découvrir le répertoire d'un des plus célèbres théâtres de la Sérénissime, le Teatro Sant'Angelo. Comparé au San Giovanni Grisostomo ou au San Giovanni e Polo, théâtres officiels de la noblesse vénitienne, le Sant'Angelo était le lieu « alternatif » et « populaire », aux moyens plus restreints certes, mais à la créativité musicale toujours permanente et débridée. C'était, de 1713 à 1739, le théâtre de Vivaldi, dans lequel il prete rosso fit représenter une vingtaine de ses propres opéras. C'est là que furent créés L'Olimpiade, Arsilda, regina di Ponto, La verità in cimento et L'incoronazione di Dario, tous représentés sur l'album. Le programme fait la part belle également à deux musiciens aujourd'hui oubliés mais qui, dans l'ombre de Vivaldi, ont également assuré autrefois le pain quotidien du théâtre. De Giovanni Ristori, on entendra trois airs extraits de son opéra Cleonice, ainsi que quelques pièces tirées de ses opéras Temistocle, Arianna et Don Chisciotte. De , musicien surtout connu pour ses activités en Allemagne, on entendra deux extraits de son opéra Amalasunta, ainsi qu'un mouvement de sonate. Mélodies ensorcelantes, soutenues par un accompagnement souvent réduit à sa plus simple expression mais toujours sobre et efficace. On goûtera encore davantage les airs « Il mio crudele amor » de et « Patrona reverita » de , respectivement accompagnés d'une simple basse continue ou d'un théorbe. On rêve d'assister à l'une de ses soirées du Sant'Angelo, surtout lorsqu'on entend l'extrait de Don Chisciotte, ouvrage visiblement héroïcomique reposant sur le mélange des genres, concept théâtral impensable dans la France de l'époque, mais depuis Monteverdi et Cavalli typique de l'opéra vénitien populaire que nous redécouvrons aujourd'hui.

L'autre intérêt de l'album réside dans l'interprétation toute en ombres et lumières de la jeune mezzo-soprano , encore peu connue au disque des amateurs de musique baroque. Sa voix possède tout le moelleux et le velouté d'un contralto comme Kathleen Ferrier, dont elle sait recréer le mélange de calme, de douceur et d'intensité. Contrairement à son illustre prédécesseure, elle sait également s'enflammer dans les pages virtuoses qui parsèment l'album – « Siam navi » de L'Olimpiade et « Con piu diletto » de La verità in cimento, par exemple –, ne redoutant ni les vocalises les plus hardies, ni les intervalles les plus audacieux qui font tout le prix et toute l'expressivité de ce répertoire. C'est néanmoins dans les pages sobres et mesurées que nous préférons nous régaler des couleurs cuivrées de ce bel instrument. Nous ne mentionnerons que le « Nell'onda chiara » de l'Arianna de Ristori, aux sonorités véritablement planantes et envoûtantes. L'ensemble , dirigé depuis son violon par , n'est est pas à sa première incursion dans la musique vénitienne. Devant tant d'affinités avec ce répertoire, nous ne pouvons que souhaiter que soit explorée plus avant la programmation originale et innovante des théâtres dits « secondaires » de la Sérénissime.

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