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27e Festival de Pâques Musique à Deauville

Moins célèbre que le Festival du cinéma américain, Musique à Deauville n'en reste pas moins un évènement artistique important de la ville, réparti entre l'été et Pâques, où fin avril devait être rendu un hommage à Augustin Dumay, remplacé par .

Aujourd'hui à sa 27e édition, Musique à Deauville doit beaucoup au soutien du groupe Barrière, mais il utilise pour lieu principal de concert la salle des ventes de chevaux Elie de Brignac d'Arqana, d'une acoustique plutôt bien adaptée aux petites formation.

Une semaine après un concert complet avec Renaud Capuçon, le programme du samedi suivant devait rendre hommage à l'un des artistes les plus importants depuis la création du festival, Augustin Dumay. Malheureusement, les circonstances en ont voulu autrement et une double-fracture de la cheville l'aura écarté de la scène deauvillaise, pour laisser sa place de leader dans le sextuor de Brahms au violoniste .

Auparavant, deux rares quatuors avec piano permettent d'entendre le pianiste Arthur Hinnewinckel et deux formations de trio à cordes. Tiré des extraits du Scherzo du quatuor de jeunesse de Mahler, dont on ne joue que le premier mouvement complet – popularisé par le film Shutter Island -, le Quatuor d' s'attelle à utiliser le matériau pour le déstructurer, dans une tentative de multiples essais d'achèvement, jusqu'à revenir aux esquisses comme point de blocage. Peu passionnante par le fait que cette écriture a déjà vieilli, la pièce est bien mise en valeur par les instrumentistes et notamment par le violon de . Ensuite, ce sont les musiciens du qui entourent pour le Quatuor WoO32 de , œuvre de jeunesse dans le style de Schubert, dont la mort vient d'affecter profondément l'étudiant. Dans cette partie, on peut profiter dès l'Allegro molto affettuoso non seulement de la finesse des cordes, mais aussi du superbe toucher du pianiste, particulièrement agile aux deux Presto et superbement soigné à l'Andante. Sans forme définitive assurée, la partition est interprétée sans da capo final au Minuetto et sans certaines répétitions.

Le Sextuor n°1 en si bémol majeur de clôt le programme en beauté, sans , mais avec toutes les autres cordes de la soirée regroupées sous la direction du premier violon . Habitué du compositeur, il emmène la formation temporaire dans cette œuvre d'un artiste déjà suffisamment mature pour redéfinir les canons d'une nomenclature encore quasi inédite jusque-là. En quatre mouvements, l'ouvrage fait la part belle aux violons à l'Allegro ma non troppo, puis met en valeur les autres instruments, notamment dans les thèmes populaires des parties médianes, où l'on profite des altos de Manuel Vioque-Judde et de , comme des violoncelles de Bumjun Kim et .


Le dimanche, la formation est plus développée que la veille puisqu'il s'agît de l'ensemble sur instruments d'époque , sous la direction du violoniste . Jouant comme au temps évoqué par le nom de l'ensemble, c'est-à-dire debout, sauf pour les violoncellistes, le groupe débute d'abord en effectif à cordes avec la Serenata Notturna K.239. Composée à 20 ans par Mozart pour être donnée en plein air à Salzbourg, cette Sérénade n°6 a pour particularité d'utiliser aussi des timbales, d'ailleurs présentes seulement dans cette pièce de la soirée ! La dizaine d'instrumentistes autour s'y montrent dynamiques, bien agencés pour développer l'orchestration déjà très novatrice du compositeur, notamment les alternances marquées des pizzicati.

Ensuite rentrent quelques vents (cors, flûtes et hautbois) pour jouer la Symphonie n°1 en mi bémol majeur, K.16. Souvent à l'unisson et encore simple dans l'écriture, cette partition n'en présente pas moins déjà l'incroyable génie d'un enfant de seulement huit ans, qui a déjà tout compris à la musique de son époque et se permet d'y apporter son style propre. Impressionnante, notamment par sa richesse mélodique, l'œuvre profite là encore d'être présentée sur une formation d'une quinzaine de musiciens, comme il y a 270 ans. Plus mure bien que parmi ses premières symphonies aussi, « Le Matin » de Haydn entre dans la grande cour des Esterházy et de la période classique par un splendide lever de soleil, ce soir peut-être trop peu valorisé par le fait d'être abordé sans chercher à en amplifier les effets.

En dernière pièce se découvre la belle Eléonore Pancrazi pour une cantate beaucoup moins célèbre que l'opéra tiré du même sujet 123 ans plus tard par Richard Strauss. Écrite en 1789 alors que la France se soulève, Ariane à Naxos revient à l'histoire de la fille de Minos et de Pasiphaé avec une technique vocale très maîtrisée par Haydn, pour cette partition de vingt minutes débutée par un magnifique aria. Ouverte par une dizaine de cordes, l'œuvre voit arriver par la droite la mezzo-soprano française, souple pour porter le texte italien et toujours agile pour développer les médiums et aigus de sa longue partie apprise par cœur. Tous reviennent devant le public pour offrir un bis, présenté par la chanteuse comme une pièce contemporaine de la précédente, un peu connue… que l'on reconnait en effet dès la première mesure comme l'air de Cherubino Voi che sapete du génial Mozart!

Crédits photographiques : © Claude Doaré

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