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Purcell au Festival de Printemps des Arts Florissants

La 7e édition du Festival de Printemps des Arts Florissants qui se déroulait sur trois jours en Vendée, était dédiée à Purcell. Musique sacrée, fantaisies et sonates étaient au programme de cinq concerts dans les églises des environs de Thiré.

Chacune des éditions est consacrée à un compositeur. Cette année le directeur artistique du festival et co-directeur des Arts Florissants depuis 2019, a choisi Purcell et sa « sublime » musique. Purcell hélas disparu si jeune, en 1695, à 36 ans seulement, le regrette tant pour lequel il s'agit peut-être du plus grand compositeur britannique de tous les temps. Pour l'ouverture du festival à la cathédrale de Luçon le vendredi soir, le premier concert, très rempli et donné dans une ambiance chaleureuse, convoque le chœur et l'ensemble instrumental des Arts Florissants sous la direction de , pour un programme de musique sacrée faisant alterner anthems, polyphoniques ou entrecoupés de versets solistes, et sonates. Tout jeune chanteur dans le chœur de la Chapelle Royale, Purcell compose ensuite pour ce même chœur au service de Charles II, roi mélomane, arrivé au pouvoir un an avant sa naissance, après 10 ans de république « silencieuse », une époque charnière dans l'histoire à la fois politique et musicale britannique. L'hymne « Rejoice in the Lord alway » ouvre le concert. Après le prélude instrumental, les trois solistes Yann Rolland (alto), Sean Clayton (ténor) et (basse) sont rejoints avec ardeur par le chœur. Puis les voix s'élèvent pour la prière « I will sing unto the Lord as long as I live », ensuite recueillies et portant le texte avec émotion dans « Remember not Lord our offences » où se détache la voix de la soprano Juliette Perret. Les Sonates of three parts (V, VI, I ) alternant avec les pièces chorales apportent des moments d'une grande intensité, à la fois empreints de profondeur et de virtuosité, où se répondent les violons d'Augusta McKay Lodge et Patrick Oliva, l'alto de Myriam Bulloz et le théorbe de . La longue plainte de la polyphonie « Hear my Prayer o Lord » saisit, quand « My Heart is Inditing of a Good Matter » avec ensemble instrumental semble enjoué et plein d'allant. Le programme permet de montrer la grande diversité de combinaisons vocales dans la musique liturgique de Purcell, faisant ressortir les voix solistes, les associant par groupe, les faisant dialoguer avec le chœur, l'ensemble instrumental, suivis par le continuo de à l'orgue. La direction du chef, attentive aux chanteurs, est souple et engagée. Le poignant « Miserere mei » démontre à quel point avec une composition d'apparence simple, en deux lignes, le génie de Purcell s'exprime, souligne , qui reprend l'œuvre en bis pour clore le concert, suivie d'un long silence de plusieurs secondes.

Le lendemain, le concert du matin se situe dans l'église de Saint-Juire-Champgillon (et non comme habituellement dans l'église de Thiré, actuellement en travaux) pour une carte blanche à Benoit Hartoin qui accompagne les Arts Florissants depuis plus de vingt ans. Le claveciniste propose une comparaison intéressante et expressive entre quatre familles européennes et des compositeurs morts prématurément, tout comme Purcell. La magnifique Suite en sol mineur du compositeur britannique diffuse une austérité et une profondeur remarquables avant la vivacité de Stradella, le raffinement ciselé et empreint de gravité de Couperin, le génie de Mozart et l'élan et la puissance de Forqueray en bis. À l'issue du concert, le public est convié à un café dans une petite maison du village joliment fleuri.

Le soir, est à la direction, ainsi qu'à l'orgue et au clavecin, dans l'église de Sainte-Hermine pour un concert réunissant solistes et instrumentistes des Arts Florissants. Le programme « Divine Hymns » (issu d'un album Virgin Classics de 2007) met à l'affiche des pièces sacrées destinées à une pratique privée et des compositeurs anglais peu connus contemporains de Purcell : , et Pelham Humfrey. Le concert est également l'occasion d'une autre découverte, celle de la jeune mezzo-soprano . Lauréate de l'édition 2023 du Jardin des Voix, elle fait ses débuts ici avec l'ensemble. On la retrouvera prochainement dans leur nouvelle production de The Fairy Queen. Sa voix fraiche et expressive séduit d'emblée, charmante et intimiste accompagnée par le théorbe attentif de dans « Peaceful is he and most » de Blow, elle se fait aérienne avec des aigus limpides pour un très beau moment de grâce et d'émotion. Dans « Lord, what Is man, lost man ? » de Purcell, la diction et l'inspiration de Paul Agnew rendent le texte très vivant. On apprécie également la belle voix du ténor , actuellement Rising Star avec l'Orchestra of the Age of Enlightenment. Dans « In guilty night » de Purcell le dialogue entre Saul (Paul Agnew) et la sorcière () fait alterner plainte et aigus qui fusent tandis que répond avec conviction la basse d'. La soprano , lauréate en 2017 du Jardin des Voix, fait preuve d'un bel engagement pour une incarnation élégante avec force de conviction dans la déclamation. Alternant moments recueillis, joyeux ou plus dramatiques, les airs d'une grande pureté se succèdent mêlant les voix dans différentes combinaisons.

Le dimanche matin, le second « Concert et Café » présente des œuvres virtuoses pour violon de Purcell et ses contemporains, montrant à quel point les limites techniques pouvaient être alors repoussées. La violoniste Augusta McKay Lodge, premier violon des Arts Florissants, est accompagnée par le claveciniste , sobre et efficace. La musicienne fait mouche dans ce programme avec un plaisir évident à jouer cette musique qu'elle aime, comme elle le souligne dans une petite présentation non dénuée d'humour en début de concert. Les pièces virtuoses sont tour à tour enjouées ou mélancoliques, parfois sensuelles, interprétées avec vivacité et poésie.

En fin de journée, l'église de Chantonnay abrite le concert de clôture du festival interprété par les membres de l'ensemble instrumental des Arts Florissants. S'y côtoient les Fantaisies pour violes composées par Purcell vers 21 ans et ses Sonates pour violon, trois ans plus tard, à l'arrivée en Angleterre du violon en provenance d'Italie. Les unes en quelque sorte tournées vers le passé avec un instrument déjà ancien, les autres vers l'avenir. Des différences et une comparaison voulue donc, dont le but est de « choquer » s'amuse Paul Agnew en début de concert. Ces œuvres montrent de nouveau, comme au fil du festival, la variété du répertoire de Purcell (hors lyrique) et sa faculté rapide d'adaptation. Des Fantaisies plus austères, pleines de gravité où se détachent par moments et dialoguent les violes de gambe : dessus de viole (), ténor (Nicholas Mine) et alto () tandis que Myriam Rignol, très expressive, est extrêmement sollicitée à la basse de viole tout le long du concert, accompagnant également les violonistes Augusta McKay Lodge (entendue la veille) et Tami Troman pour des Sonates tout en vivacité et souplesse, soutenues également par , impeccable, à l'orgue positif.

Ces journées sont également l'occasion d'aller visiter les jardins de . Sans musique à cette période de l'année, contrairement au festival d'été pour lequel le miroir d'eau, le cloître ou le théâtre de verdure ont été conçus pour servir d'écrin aux concerts en plein air, ils permettent une promenade à la fois raffinée et bucolique. À quelques kilomètres de là, autre « Jardin remarquable » de Vendée, celui du Logis de Chaligny, offre un cadre champêtre enchanteur à d'autres balades. Au mois de juillet des concerts de piano (Les pianos de l'été), où se produisent des pianistes comme Eliane Reyes ou Dana Ciocarlie, sont donnés dans la cour de cette ferme fortifiée, ombragée pour l'occasion par de grands vélums.

Crédits photographiques : © Julien Gazeau

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