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Hanjo de Hosokawa à Munich, bouleversante symphonie lyrique

La beauté de la partition de cet opéra de chambre, déjà souvent joué, de , laisse la mise en scène de Sidi Larbi Cherkaoui au second plan.

En 2004, c'est Anne Teresa De Keersmaeker qui mit en scène la création du court opéra Hanjo de Hosokawa au Festival d'Aix-en-Provence. Près de vingt ans plus tard, l'Opéra de Bavière confie à un autre chorégraphe, Sidi Larbi Cherkaoui, le soin d'en proposer une nouvelle vision, dans une vaste salle d'exposition de la Haus der Kunst, construite par les nazis comme palais de l'art allemand, désormais consacrée à l'art contemporain du monde entier. Le public est placé de part et d'autre, sur les petits côtés de ce large parallélépipède, l'orchestre occupant un des grands côtés – la sonorisation de l'ensemble assurant une efficace diffusion acoustique, au bénéfice parfois un peu trop généreux des voix.

L'opéra de Hosokawa raconte une histoire simple, tirée d'un nô de Mishima, et elle le fait de manière ample, laissant de longs moments purement instrumentaux. Cherkaoui en tire profit pour installer sa danse, de manière d'abord trop intrusive – on ne voit pas en quoi la chorégraphie qui occupe l'introduction orchestrale est plus qu'une simple illustration de ce que dit déjà la musique. Heureusement, le spectacle gagne progressivement en densité et la danse en nécessité, dans le discret et efficace décor de l'artiste Rirkrit Tiravanija – le lieu impose le dialogue avec les arts plastiques, mais la valeur ajoutée est loin d'être évidente par rapport à un simple décor sans prétention plasticienne.

Plus que l'histoire d'amour retardée entre Hanako et Yoshio, Hanjo raconte l'attente pour elle-même : sous l'ambiguë protection de Jitsuko, Hanako attend le retour de l'homme avec qui elle avait échangé un éventail trois ans plus tôt ; quand Yoshio finit par apparaître muni de l'éventail requis, elle refuse de le reconnaître. Entre Jitsuko qui n'attend rien et Hanako qui n'en aura jamais fini d'attendre, l'opéra se termine par une sorte de fin du temps, qu'exprime un beau duo dansé qui porte l'émotion à son comble.

(Jitsuko) joue ici le premier rôle, non sans quelques duretés, mais avec un art consommé de l'ambiguïté et une richesse expressive qui portent l'émotion tout au long de cette courte soirée. Le Yoshio très humain de , qui danse aussi bien qu'il chante, ne peut rien contre la barrière qu'elle a mise en place autour de Hanako, qu'elle déclare folle pour mieux la garder avec elle – Cherkaoui et ne croient pas à cette folie, ce que l'œuvre laisse à vrai dire clairement entendre.

Le véritable protagoniste de l'opéra, cependant, c'est d'abord l'orchestre, d'une infinie poésie – on ne cesse d'admirer l'écriture de Hosokawa, et on ne peut que regretter que la rationalité économique ait conduit à l'annulation d'une nouvelle production de Matsukaze, son autre . Le dirigé par laisse les sortilèges de la partition, la pure beauté sonore et les délicates nuances musicales et émotionnelles que Hosokawa suscite, voler la vedette aux danseurs de la comme aux chanteurs.

Crédit photographique © Wilfried Hösl

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