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20 sonneurs pour Terry Riley

s'attaque au monument de la musique minimaliste américaine, In C de (1964), en réunissant une grande diversité d'instruments traditionnels dans une scénographie immersive. Vingt sonneurs en cercle se partagent cornemuses, veuzes, bombardes, binious, trélombardes et bombardes baryton, un instrument spécialement développé pour le projet. Pour le public lorientais, au centre du dispositif ou déambulant librement aux alentours, l'effet est saisissant et spectaculaire.

C'est encore dans le soleil du soir que commence à résonner l'œuvre de en ce mardi 6 juin à 20h, sur le parvis du Grand Théâtre de Lorient. Très vite, la pâte sonore se densifie et la richesse des jeux spatiaux se révèle. Très vite, les auditeurs apprennent à dompter leur perception, à jouer de leurs déplacements ou à fermer les yeux pour se laisser porter. Cette œuvre invite en effet le public à se faire librement créateur de sa propre écoute.

Les séquences courtes d'In C se succèdent, avec leurs décalages caractéristiques, leurs effets de canons, d'échos ou de contours fantomatiques alors qu'une extase générale saisit progressivement les spectateurs, plongés au cœur du processus. Tour à tour, les différents musiciens, synchronisés par un clic au casque, prennent les commandes des changements de patterns par leurs signes. Lentement, la pâte sonore se modifie, s'enrichit, se métamorphose, et un tourbillon sonore complexe se met en place.

Bientôt, les sens sont trompés, on imagine des traitements par des effets électroniques, de la synthèse et une spatialisation via l'amplification. Il n'en est rien, car tout est acoustique, et le mode d'emploi des petites séquences qui s'enchaînent est limpide, évident à comprendre, il n'y a qu'à regarder et écouter. Pourtant, les effets sont puissants et tactiles : une parfaite illustration du minimalisme.

ajoute quelques éléments à l'œuvre de , qui l'enrichissent : l'apparition de sirènes et, à plusieurs reprises, le battement des pieds des sonneurs, qui la rattache à la tradition dansée de la musique bretonne. Ces trouvailles ne trahissent en rien l'œuvre originelle. Les battements emportent même certains spectateurs vers une réception corporelle de l'œuvre.

Alors que le dernier sonneur passe dans l'ombre, de manière quasi-synchronisée, un hasard magique du moment, la pièce s'achève brusquement, laissant le public dans un silence soudain, bientôt comblé par un long applaudissement enchanté et chaleureux, qui ne sonne plus du tout habituel aux oreilles après cette longue expérience.

L'instrumentarium déployé par prouve une fois de plus qu'In C est un jalon fondamental de l'histoire de la musique, une grande œuvre capable de s'enrichir à chaque nouvelle interprétation. Le pari est gagné, les sons des cornemuses et des binious se prêtent parfaitement à cette nouvelle lecture intense, et le sonneur breton pose un jalon supplémentaire dans l'intégration de ces instruments traditionnels au cœur des langages musicaux contemporains.

Crédits photographiques © Arnaud Goualou, nikolaz

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