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Nymphes: Virginie Thomas au fil de l’onde

La soprano a réuni ici des airs extraits d'un siècle d'opéras baroques, autour du thème de la nymphe. Elle en a fait un petit opéra en un prologue et trois actes, qui reflète l'évolution chronologique du genre.

Nymphes, naïades, dryades : ces divinités secondaires qui peuplent les eaux sont très présentes au panthéon des tragédies lyriques, de Lully à Mondonville et Rebel. Elles sont ici le fil conducteur d'un programme qui nous invite à revisiter dix-sept tragédies lyriques françaises, avec des intermèdes instrumentaux de Couperin et Rameau magistralement joués au clavecin par . Cette dernière assure aussi le continuo d'un ensemble instrumental d'une douzaine de musiciens, réunis autour du premier violon d', véritable orchestre lullyste de belle ampleur. Dès l'ouverture, extraite de Circée de Desmarets, on en apprécie la belle pâte sonore. Trois chanteuses se joignent à pour certains airs, renforçant l'impression d'entendre un véritable opéra. Les transitions entre les pièces de ce patchwork se font de façon très fluide, et nous font oublier qu'il s'agit d'un collage empruntant à l'idée d'une fresque chronologique. On passe sans heurt du monde de la tragédie à celui de l'opéra-ballet du XVIIIᵉ siècle, au fil de l'onde peuplée de divinités à la sensibilité très humaine. Le renouveau du goût sous le règne de Louis XV nous fait passer de la grandiloquence lullyste aux raffinements du style rocaille, faisant la part belle à la légèreté du genre pastoral.

La voix souple et flexible de fait merveille dans ces rôles qualifiés de « légers ». Sa parfaite diction et la clarté de son éloquence permettent de suivre toutes les inflexions du discours. Le dialogue entre voix et flûtes dans les airs de Tancrède de Campra est un régal de légèreté et de belle articulation. Grâce à la variété de l'instrumentarium et à la grande liberté d'expression d'interprètes rompus au grand style français, ce programme offre une palette sans cesse renouvelée de couleurs chatoyantes. Dans l'acte III, consacré au Siècle des Lumières, la voix se fait plus ample, comme pour coller à l'évolution stylistique. Certains opéras, comme Endymion de Colin de Blamont ou Zelindor de Francoeur et Rebel, nous étaient inconnus et aiguisent notre curiosité. Le texte du livret, signé par Benoit Dratwicki, resitue la place de ces musiques de la cour aux salons, et éclaire les choix judicieux de ce programme original et plaisant.

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