Présentée pour la première fois lors de la Biennale d'Art de flamenco de Chaillot en 2020, la quatrième pièce du chorégraphe sévillan David Coria était le temps d'une soirée au Parvis, Scène nationale de Tarbes, en ce début de saison 2023-2024.
Tout commence en 2018 avec l'album-concept « Hodierno » de David Lagos. En effet, c'est cette sélection soignée de chants traditionnels, accompagnés de la guitare d'Alfredo Lagos, des saxophones de Juan M. Jiménez et agrémentés des percussions et de la création électronique de Daniel Muñoz, qui a inspiré la rencontre du chanteur et de la figure majeure du flamenco contemporain David Coria. Retravaillées pour les besoins de la pièce, la musique et les paroles descriptives des chansons font naître une danse illustrative issue d'une envie commune d'aborder l'identité espagnole à travers son histoire.
Malgré une alternance de tableaux évocateurs, tantôt de réjouissances, tantôt d'évènements dramatiques, le ton global de ¡ Fandango ! penche de façon prédominante vers un caractère solennel. David Coria a choisi une mise en scène très claire et efficace prenant la forme d'un découpage de l'espace scénique à l'aide de projecteurs blanc chaud, d'un grand tapis rond rouge ou encore de sable déversé sur la scène depuis le plafond. Les musiciens se trouvent la plupart du temps dans un petit espace rectangulaire éclairé côté jardin, tandis que David Lagos évolue plus librement autour des danseurs. Ces derniers s'adaptent quant à eux à différents espaces géométriques délimités, à mesure que les chorégraphies de groupe, les duos et les solos s'intercalent.
Vêtus de chemises, de pantalons à pinces, de jupes longues taille haute ou encore de robes longues à boutons de couleur noire, gris foncé ou blanche, les cinq danseurs interprètent à merveille une chorégraphie qui fusionne parfaitement avec la musique préexistante, si bien qu'elle en devient véritablement une nouvelle ligne instrumentale. Par essence musical, le fandango et sa rythmicité sont sollicités de façon contemporaine de manière à former une sorte de chambre d'écho dans laquelle paroles chantées, musique et danse se répondent, s'influencent et se reflètent.
Les trois femmes et les deux hommes, dont David Coria lui-même, incarnent des personnages distincts dont les interactions sont symbole des dynamiques sociales qui les traversent. Les contacts et les passages au sol sont rares, mais toujours signifiants, tandis que l'essentiel de la gestuelle tourne autour de la rythmicité des pieds frappant le sol, des claquements de mains ou des bras venant fouetter les corps. Les bassins sont enracinés alors que les jambes évoluent librement pour marquer des rythmes complexes et frénétiques. Sur cet ancrage, bras et dos se meuvent avec fluidité et relâchement, malgré des prises d'élans très expressives et énergiques.
¡ Fandango ! est le résultat d'une rencontre fortuite entre deux artistes talentueux et engagés. Elle est l'occasion de faire dialoguer deux approches contemporaines autour d'une pratique culturelle espagnole vieille de plus de 500 ans, en tant que parfait outil de questionnement identitaire à travers le temps. Il s'agit néanmoins d'une pièce accessible à tous grâce à l'universalité des thèmes qu'elle aborde tels que le vivre ensemble, les rapports hommes-femmes ou la conflictualité.