Au gré des phénomènes météorologiques, entre menaces et perturbations, tempêtes et embellies, Weather pieces, le nouveau CD monographique de la compositrice et performeuse Carol Robinson, estompent les frontières entre le dehors et le dedans.
Carol Robinson est au cor de basset dans Les si doux redoux, une pièce à évolution lente procédant par vagues de son successives, émanations caressantes et diffraction sonore (rappelant le jeu de l'orgue à bouche) où fusionnent le souffle (volutes de bruit blanc) et l'instrument dédoublé par l'électronique. La voix de l'interprète qui jalonne le parcours nous invite à une écoute intimiste dans le temps long de la contemplation.
Écrit pour la contrebassiste Charlotte Testu, Black on Green évoque les couleurs du ciel par temps d'orage dans le Dakota où Carol Robinson a passé son enfance. Le texte plus présent participe de la dramaturgie, rendant compte des phénomènes du ciel avant la tornade, entre description et répétition obsessionnelle. L'archet sur la corde est actif, frottements, crissements, claquements… un foisonnement bruiteux qui s'inscrit sur la toile de fond très sombre : les forces s'unissent (électronique et instrument) en un long crescendo jusqu'à une fin cut qui interrompt le processus dans son plein épanouissement.
Nacarat, la troisième pièce du CD, semble en prolonger les effets… Conçue pour guitare électrique (celle de Serge Teyssot-Gay) et électronique, elle nous fait traverser le cyclone, « un ouragan imaginé », prévient la compositrice, et chargé de couleurs. Parmi celles-ci, le nacarat, une nuance tirant sur le rose et l'orange qui donne son titre à la pièce : incandescence du flux sonore et violence des explosions, les riffs électrifiés du rocker et performer Serge Teyssot-Gay se mélangent aux textures électroniques complexes dans une intensité qui flirte avec la saturation. Le musicien ajoute ses mots, énumérant des couleurs comme s'il vivait une expérience synesthésique au sommet de la transe. L'énergie retombe au mitan de l'œuvre, ouvrant l'espace de résonance où s'inscrit la guitare électrique et la voix de l'interprète jusqu'à la marge du silence… Avant l'assaut final où s'exerce la puissance du geste de ce musicien hors norme.