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Konstantin Krimmel et Samuel Hasselhorn dans La belle Meunière

Les barytons et gravent leur interprétation de Die schöne Müllerin de Schubert, chacun avec de grandes libertés et un excellent pianiste, mais avec des résultats très différents.

a une voix extraordinairement belle. Le timbre est chaud, riche et rond, et il phrase à la perfection. Il incarne un meunier insouciant, presque joyeux (du moins, au début du cycle) et plein de santé, qui ne se gêne pas pour agrémenter les Lieder avec force fioritures ou même réécritures. Ce qui semble contradictoire, c'est que dans l'usage des couleurs et des nuances, Krimmel est d'une sobriété d'effets qui est bienvenue. Mais pourquoi la gâcher avec cet arsenal d'appogiatures surajoutées (quatorze, rien que dans Wandern…) ? Tous ces rajouts décoratifs ne sont pas de mauvais goût, mais ils sont inutiles. En même temps, il y a quelque chose d'irrésistible chez ce meunier-là. Il vit, il marche et il chante, le cœur en bandoulière. Cette naïveté de Papageno fonctionne bien, car l'émission très claire du baryton restitue parfaitement les textes de Wilhelm Müller, et le jeu de est délicieusement coulant. Même s'ils ne nous entrainent ni vers le suicide ni vers la folie, l'enfoncement dans le drame est réel et bien mené.

Toute différente est l'interprétation proposée par et Ammiel Bushakewitz. Les libertés sont prises autrement : pas de fioritures (ou très peu), mais de longs et fréquents ralentissements, et parfois des accélérations subites. Murmures et emportements. C'est très efficace, car le baryton comme le pianiste savent étirer leur ligne de chant et faire passer leurs couleurs de riche à translucide. Nous avons donc là un héros parfois impulsif mais surtout tourmenté, proche de Werther, qui en parlant à son cher ruisseau se parle avant tout à lui-même dans de profondes et magnifiques introspections. Les myosotis, l'alouette prennent des reliefs fulgurants mais étonnants de poésie. Chaque Lied devient une micro-aventure avec ses propres rythmes internes, ses émotions diverses, et en même temps, l'ensemble du cycle est puissamment architecturé, avec cet enfoncement en vortex vers l'issue fatale, sinon mystérieuse. Les libertés prises ici sont donc des libertés de tempo, certes audacieuses, mais qui permettent des beautés indicibles. Hélas, pourquoi faut-il en faire trop, en transposant d'une octave les toutes dernières mesures du piano dans le dernier Lied ?

Quel usage faire de ces enregistrements libertaires ? Le premier, celui de Krimmel-Heide, a été fait le temps d'un concert lors d'une schubertiade en Autriche, et avait donc une vocation d'écoute éphémère. Si le mélomane peut faire des téléchargements à l'envi depuis sa plateforme préférée, il passera une soirée intéressante voire émouvante avec chacune de ces deux gravures. En revanche, s'il est en recherche d'une version et d'une seule, une version définitive, qu'il s'oriente vers des versions plus probes et plus sobres : André Schuen tout récemment, ou leurs aînés Mathias Goerne et Christian Gerhaher, sans omettre les immortels Herrmann Prey et Dietrich Fischer-Dieskau, pour rester chez les barytons et dans la stéréo.

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