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Bruno Mantovani et Sandro Compagnon : une collaboration de haut vol

Belle rencontre entre le jeune saxophoniste et le compositeur dans un nouvel album monographique adressé à l'interprète virtuose qui mêle partitions originales et transcriptions.

Doté déjà de nombreux diplômes et prix internationaux, (tout juste 27 ans) n'en poursuit pas moins sa formation, dans le domaine du jazz où il s'investit pleinement et celui de l'interprétation. Il donne toute la mesure de son talent dans les six pièces de cet enregistrement couvrant quelques vingt-cinq années de composition du prolifique .

Au dire de ce dernier, c'est lui-même qui a réalisé les transcriptions des pièces destinées à la flûte ou à/aux clarinettes qu'il joue seul ou avec ses partenaires. Ainsi s'empare-t-il de Früh (1997), la partition la plus ancienne de cet enregistrement, dédiée à la flûtiste Anne-Cécile Cuniot. La souplesse de l'émission, le velouté du son, l'énergie rythmique qu'il entretient et les aigus solaires de son instrument font merveille au fil d'un discours aussi capricieux que délicatement microtonal. Sandro Compagnon est rejoint par la clarinette (Kévin Galy) et le piano (Pierre Thibout) dans L'Ère de rien (2002) qui se veut un hommage aux musiques extra-européennes : la doublure de la clarinette et du saxophone soprano au début de l'œuvre est inédite, rappelant certaines anches traditionnelles. Le temps distendu et les profils microtonaux ainsi que la joute rythmique des deux anches complètent « ce voyage à travers les continents ». Appel d'air (2001), commande du Concours de flûtes Rampal, est un véritable défi que se lance notre interprète, virevoltant avec l'agilité de l'oiseau au dessus du trille discret du piano. La virtuosité y est recherchée et la brillance du suraigu dûment assumée par l'intrépide saxophoniste. L'aventure se poursuit avec Métal (2003), originellement écrit pour deux clarinettes. Pour les exigences de la tessiture, le duo de saxophones (avec Joakim Ciesla) est dédoublé, soprano et alto pour l'un, alto et baryton pour l'autre. L'empreinte du jazz y est la plus prégnante (le compositeur est aussi très bon improvisateur !) : discontinuité du discours, phrasé énergétique, fluidité du jeu. Mantovani s'emploie à faire sonner les instruments, générant, sous les anches des deux interprètes, des sonorités cuivrées inouïes.

Se détachent, dans cette rétrospective mantovanienne, les deux pièces écrites pour le saxophone soprano et adressées aux interprètes qui les ont créées ; à Claude Delangle d'abord, véritable légende vivante de l'instrument. Solo (2014) s'origine sur la figure du trille, « un héritage boulézien », nous dit Mantovani dans la notice de son œuvre, qui stimule son imagination fertile. L'écriture est d'une grande subtilité, qui explore les registres, les allures du son, ses couleurs et ses configurations multiples dans l'espace. Une partition à la hauteur du dédicataire hors norme entendue sous les doigts et le souffle d'un de ses élèves, et avec quelle maestria! À Sandro Compagnon, dédie Rondes de printemps (2020) où Debussy est honoré mais jamais plagié. C'est au contraire une manière toute mantovanienne qui se profile, avec ses inflexions microtonales et cette dimension ludique autant que virtuose d'activer la cinétique des sons. Le saxophone de Compagnon y est solaire, agile et racé, donnant à cette mélopée orientale qui passe entre deux tours, un timbre subtil autant qu'émotionnel.

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